La mutation rapide et spectaculaire du Luxembourg
La mutation rapide et spectaculaire du Luxembourg
«Pour prévoir l'avenir, il faut connaître le passé», écrivait au XVe siècle le philosophe florentin Nicolas Machiavel. 500 ans plus tard, la maxime reste d'actualité comme le prouve l'exercice effectué par la Fondation Idea sur l'évolution du Luxembourg au cours de la décennie écoulée. Publiées mercredi, les données compilées montrent l'ampleur des défis auxquels est confronté le Grand-Duché. Qu'il s'agisse de mobilité, de logement ou bien encore de cohésion sociale.
Véritable moteur économique de la Grande Région, le Luxembourg a connu une hausse importante de sa population au cours des dix dernières années. Des 502.000 résidents enregistrés au 1er janvier 2009, le pays devrait atteindre le seuil des 625.000 habitants d'ici la fin 2020, selon les prévisions du Statec. Soit près d'un quart (24%) de plus. Un phénomène que Michel-Edouard Ruben, économiste au sein du think tank de la Chambre de commerce, attribue directement à l'attractivité de l'économie, assurant que «plus de 80% de cette hausse s’explique par le solde migratoire».
Conséquence directe de cette évolution démographique, la flambée des prix de l'immobilier. «Si en 2010 un appartement de 50 m2 coûtait 11 années de salaire minimum, il fallait compter 14.5 années en 2019 pour pouvoir acquérir le même bien», note la Fondation Idea qui chiffre à 56% la hausse du prix du m2 entre 2010 et 2019.
Autre effet de la progression générale de la population sous l'effet de l'attractivité économique, les changements observés sur le plan sociologique. De 43% en 2009, le nombre de résidents ne possédant pas la nationalité luxembourgeoise a atteint 47% dix ans plus tard. Et Michel-Edouard Ruben d'estimer qu'«il est fort probable que le Luxembourg comptera autant d’étrangers que de Luxembourgeois à la fin de cette décennie». D'ici la fin 2020 donc.
Si la hausse du nombre de résidents a été importante au cours de la décennie écoulée, elle reste inférieure à celle enregistrée pour les frontaliers. Fin 2019, ils étaient ainsi près d'un tiers de plus (32%) que le niveau enregistré début 2010, la barre symbolique des 200.000 ayant été franchie au deuxième trimestre 2019. Et pour cause, «plus d’un emploi sur deux créé au Luxembourg durant la dernière décennie a bénéficié à un frontalier», écrit la Fondation Idea qui note que «plusieurs secteurs d’activités (...) fonctionnent désormais avec près de 60% d’employés habitant dans un des trois pays voisins.»
Comme pour la transformation en cours de la population résidente, le phénomène frontalier devrait lui aussi se poursuivre dans les décennies à venir. D'ici à 2035, le nombre de salariés franchissant quotidiennement les frontières devrait atteindre 280.000 personnes, selon les dernières prévisions du Conseil économique et social. Des frontaliers qui pourraient toutefois résider bien plus loin des frontières et/ou être originaires de territoires plus éloignés du Grand-Duché.
Si la population active apparaît comme étant en pleine mutation, le marché du travail l'a été tout autant. Preuve en est l'évolution observée dans les principaux employeurs du pays. Après avoir été pendant des décennies la société la plus importante du pays, ArcelorMittal ne se trouve désormais qu'en sixième position, loin derrière POST Luxembourg, CFL et Cactus.
Dans son analyse, la Fondation Idea pointe également du doigt l'écart de plus en plus important entre le coût des indemnités chômage et celui engendré par l'absentéisme. Une divergence importante (+88%) qui trouverait son origine dans «la relative stabilité du nombre de chômeurs entre 2010 et 2019 alors que le nombre de salariés et le taux d’absentéisme ont sensiblement augmenté», estime l'émanation de la Chambre de commerce. Et cette dernière de s'appuyer sur les difficultés récurrentes du Grand-Duché à lutter contre ce phénomène en comparaison des autres pays européens.
Enfin, l'un des paradoxes relevés au cours de la décennie écoulée figure la hausse du taux de risque de pauvreté, passé de 15 à 18%. Soit la présence de quelque 105.600 personnes considérées comme pauvres en 2019 contre 70.000 en 2010. À noter qu'en plus des familles monoparentales, une part plus importante de salariés figurent désormais dans cette catégorie. Ce qui classe le Luxembourg en deuxième position du classement européen, derrière la Roumanie. Ce n'est donc pas un hasard si, lors du débat sur le budget 2020, le rapporteur Yves Cruchten (LSAP) avait indiqué que « parce que notre pays se porte bien, nos citoyens le doivent aussi».
