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La blockchain nécessite «des efforts de pédagogie»
Économie 6 min. 23.09.2020 Cet article est archivé

La blockchain nécessite «des efforts de pédagogie»

Incarnée pour le moment par les cryptomonnaies, la blockchain pourrait constituer un nouvel outil précieux pour de nombreux secteurs.

La blockchain nécessite «des efforts de pédagogie»

Incarnée pour le moment par les cryptomonnaies, la blockchain pourrait constituer un nouvel outil précieux pour de nombreux secteurs.
Photo: DPA
Économie 6 min. 23.09.2020 Cet article est archivé

La blockchain nécessite «des efforts de pédagogie»

Nadia DI PILLO
Nadia DI PILLO
Fabrice Croiseaux, président d’Infrachain, fait le point sur la situation de cette technologie et les possibilités qui en sont attendues dans le courant 2021.

 C’était le mot magique il y a quatre ans. La blockchain, cette technologie de stockage et de transmission d’informations sans organe de contrôle, cristallisait tous les fantasmes, et portait tous les espoirs d’une société en mutation. Mais que se cache-t-il réellement derrière ce terme, où en est la technologie et que pouvons-nous en attendre en 2021? Un état des lieux avec Fabrice Croiseaux, CEO d’InTech et président d’Infrachain.    

Quelles sont les retombées de la crise sanitaire sur le développement de la blockchain au Luxembourg?

Fabrice Croiseaux  - «Il n’y a pas vraiment de retombées spécifiques liées à la crise sanitaire sur la blockchain. En revanche, considérant qu’il s’agit d’une technologie nouvelle porteuse de rupture, un projet blockchain demande un réel investissement financier et humain. La conséquence est que la crise a plutôt ralenti ce type de projets d’innovation dans certaines entreprises, qui affichent une volonté de prudence et attendent de bien mesurer les conséquences de la crise sanitaire sur leur activité.

Fabrice Croiseaux, président d’Infrachain.
Fabrice Croiseaux, président d’Infrachain.

Du côté des blockchains publiques et des cryptomonnaies, de la finance décentralisée, on ne voit pas vraiment d’impact. Il y a encore eu une croissance du nombre de transactions pendant la crise sanitaire, les cours des cryptomonnaies ont fluctué, les frais de transactions ont explosé sur Ethereum. Dans le même temps, les nouvelles générations de blockchain, comme Ethereum 2.0 ou Polkadot par exemple, commencent à fonctionner. Ces nouvelles versions doivent résoudre les limitations technologiques des blockchains actuelles.

Comment la blockchain, cette technologie pleine de promesses, peut-elle apporter une solution pendant la crise du Covid-19?

«Il y a un intérêt certain pour cette technologie dès que l’on parle de digitalisation et de sécurité. Par exemple, au niveau de la santé, disposer d’un système de traçabilité des personnes et d’échange d’information respectueux de la vie privée aurait apporté un avantage considérable durant la pandémie. La technologie blockchain peut permettre ceci à des coûts raisonnables.


blockchain
Blockchain, une technologie incontournable
Fabrice Croiseaux, président du Conseil d'administration de l'association Infrachain, fait le point sur la situation de la blockchain (technologie de stockage d'informations transparente, sécurisée et fonctionnant sans organe central de contrôle) au Luxembourg.

Quand verra-t-on au Luxembourg les premières applications concrètes? Quand est-ce qu’elles seront prêtes pour le grand public?

«Aujourd’hui, la blockchain du secteur public de l’Etat luxembourgeois héberge sur un premier cas concret avec le projet Point Rouge qui concerne la preuve d’obtention d’un permis de construire. Le hackathon «Infrachain Challenge» qui aura lieu les 23 et 24 septembre prochains a d’ailleurs pour objectif d’identifier des cas d’utilisation de la blockchain du secteur public. Par ailleurs, quatre institutions financières – Clearstream, Credit Suisse Asset Management, la Bourse de Luxembourg et Natixis Investment Managers – ont uni leurs efforts pour lancer la plate-forme FundsDLT basée sur la technologie blockchain et dédiée au secteur des fonds d’investissement. Les développements sont en cours et seront bientôt en production.

Parmi les projets qui sont déjà en production, on peut aussi citer Tokeny ou Scorechain, leader européen des solutions de compliances pour crypto-assets. En même temps, ce serait mentir que de dire qu’une vague de projets déferle sur le secteur financier par exemple. Les choses ont beaucoup évolué, mais il reste encore pas mal de prudence. Cette technologie nécessite encore beaucoup d’efforts de pédagogie chez les décideurs. En période de crise, comme ce sont des investissements avec des rendements à moyen et long terme, je crains qu’il y ait plutôt un coup de frein qu’un accélérateur des projets, au niveau des grandes entreprises en tout cas.


«Devenir moins dépendants de la place financière»
Il ne sait pas encore s'il partira en vacances mais Étienne Schneider (LSAP) sait, en revanche, qu'il veut poursuivre le processus Rifkin, des sociétés à forte valeur ajoutée, des salariés bien formés et ne pas mettre en danger notre système de santé.

Comment jugez-vous le développement de l’écosystème blockchain au Luxembourg?

«Dans le secteur fintech, autour du Lhoft, tout un écosystème se met en place avec de nombreux projets qui ont un rayonnement européen, voire mondial. Ces derniers mois, un certain nombre d’initiatives législatives touchant les applications de la blockchain ont été annoncées au Luxembourg. Il y a donc une réelle activité au Luxembourg, une vraie volonté du gouvernement et de la place financière d’être en pointe sur ces sujets.

J’ajouterai à cela également l’écosystème institutionnel avec les régulateurs et la Commission européenne qui ont engagé pas mal de travaux autour de la validité des signatures électroniques sur la blockchain, des identités, de la création d’un «stable coin», à savoir une cryptomonnaie qui représente sur la blockchain une monnaie fiduciaire. Ce sont des sujets qui ne peuvent pas être traités par une seule entreprise, mais qui ont tous vocation à être transverses.

Quelles actions concrètes allez-vous mener dans le cadre du nouveau «European Blockchain Hub»?

«Officialisée le 4 décembre 2019, ce lancement constitue une pierre supplémentaire à l’édifice blockchain au Luxembourg. Infrachain, LëtzBlock, la Lhoft, le List et le SnT de l’Université du Luxembourg ont uni leurs forces pour créer un hub européen de premier plan pour les projets de recherche, d’éducation et de développement de la blockchain, ainsi que pour développer les capacités de l’industrie à intégrer la technologie blockchain au sein de leur infrastructure IT. Le projet est en cours de lancement. Si l’activité a été un peu retardée à cause de la crise sanitaire, un appel à projet vient d’être lancé et nous allons voir prochainement quels sont les projets qui seront accompagnés par ce hub dans les prochains mois.


Infrachain Summit - Le plus important événement Blockchain au Luxembourg  - Marc Hansen - Foto: Pierre Matgé/Luxemburger Wort
«Un projet unique dans le monde»
Le ministre délégué à la digitalisation Marc Hansen annonce la création d'une blockchain pour le secteur public

Le Luxembourg est maintenant doté d’un cadre réglementaire pour la blockchain. Quel bilan en tirez-vous?

«La Chambre des députés a adopté en février 2019 un projet de loi visant à apporter une sécurité juridique aux transferts de titres effectués via la technologie blockchain. Elle a pour principal objectif de rassurer les acteurs sur le fait que les projets qu’ils réalisent en utilisant la blockchain peuvent être valides d’un point de vue compliance. Un autre projet de loi, pas encore voté celui-là, va venir renforcer l’arsenal juridique. Il permettra l’émission de titres directement sur la blockchain. C’est un pas supplémentaire très important.

Cela va-t-il booster l’activité au Luxembourg?

Cela va surtout montrer à l’ensemble des acteurs que le gouvernement luxembourgeois souhaite promouvoir et accueillir un maximum de projets favorables à la blockchain dans le secteur financier au Luxembourg.

«Peu de pays européens se sont positionnés pour l’instant sur la blockchain en matière de réglementation. 

Comment expliquez-vous ce manque d’engouement?

«Il y a quelques petits pays qui ont adopté des législations. La France a aussi une loi qui concerne les mini-bonds et les titres non cotés et a défini un statut de prestataire de service sur actifs numériques (PSAN) qui sécurise les activités des porteurs de projet blockchain. L’enjeu principal se situe au niveau de la pédagogie. Bien que les entreprises intègrent de plus en plus la blockchain dans leurs projets, cette technologie reste néanmoins difficile à appréhender.

La blockchain marque une rupture technologique profonde, qui n’est pas facile à mettre en place par les acteurs existants sans impacts importants sur les processus et l’organisation. Sans ça, l’utilisation de la blockchain à la place d’une autre technologie de stockage plus mature et plus performante ne fait pas de sens. Le Luxembourg, de par son agilité et sa volonté d’innovation, est bien placé pour tirer parti de la croissance de la technologie blockchain dans les années à venir.»

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