L'ABBL à la recherche de la bonne stratégie
L'ABBL à la recherche de la bonne stratégie
(pj avec Marco Meng) Serge de Cillia occupait la fonction de directeur général de l'Association des Banques et Banquiers Luxembourg (ABBL) depuis 2014. C'est dire si l'annonce inattendue de sa démission a pu interpeller la Place. Remplaçant depuis l'automne 2019, Yves Maas tente de remettre l'ABBL sur une voie d'avenir.
Le départ soudain de Serge de Cillia a constitué une surprise...
Yves Maas: «Je pense que le monde extérieur a perçu l'événement un peu différemment que ce qui s'est passé en interne. Bien avant cela, il y avait déjà eu débats entre le conseil d'administration et la direction sur la stratégie future de l'ABBL. Et les avis étaient partagés à ce sujet. Nous nous sommes donc retrouvés dans une situation où nous avions besoin d'une solution relativement rapide. On m'a alors demandé si je pouvais assumer les fonctions à titre provisoire. C'est ainsi que le changement est intervenu.
Je crois que des divergences stratégiques se produisent partout, et qu'il faut juste savoir en tirer les conséquences. C'est ainsi que cela s'est passé.
Vous ne voudriez donc pas diriger l'ABBL à long terme ?
«Il ne s'agit pas de vouloir. Je le fais maintenant pour une période limitée et avec l'énergie nécessaire pour un tel poste. Mais l'un de mes objectifs premiers est bien de trouver un successeur, avec notre président et le conseil d'administration.
C'est un peu comme si la situation tendue du paysage bancaire européen se reflétait dans l'ABBL ?
«Absolument. Nous ne pouvons pas y échapper. Nous représentons nos membres, nous travaillons avec eux, nous avons les mêmes problématiques, et nous devons travailler avec chacun sur ces questions. Il n'y a pas eu de plaintes sur notre rôle, mais des commentaires sur ce qui devait changer. Il y avait un tel sentiment latent que nous n'étions plus perçus comme l'ABBL. Nous y remédions maintenant par notre orientation stratégique.
Qu'entendez-vous par orientation stratégique ?
«Nous devons nous concentrer sur trois points : comment travailler avec nos membres, ou plutôt, comment promouvoir la coopération entre membres, et comment trouver des solutions avec eux. L'ABBL doit également gagner en visibilité. Le deuxième axe est l'ensemble de l'aspect réglementaire, sur lequel nous avons déjà beaucoup travaillé par le passé. Mais peut-être pas de la manière stratégique nécessaire.
Nous devons aussi être davantage impliqués dans les processus. A nous d'anticiper ce qui va se passer dans les 12, 18, 24 mois à venir dans le domaine bancaire. Nous devons donc maintenir les contacts appropriés et essayer d'intervenir relativement tôt dans le processus afin de pouvoir éventuellement amener certaines décisions dans une direction plus acceptable.
Enfin, nous devons parler le même langage avec notre conseil d'administration et élaborer des positions qui soient les mêmes pour tous et que nous soutenons tous.»
Qu'entendez-vous exactement par "anticiper ce qui va se passer" ?
«Par exemple, tout le débat sur le climat. Cela aura un impact réglementaire sur le secteur bancaire aussi. Nous devrons travailler sur nos produits d'investissement, réviser notre politique de crédit, etc. Les banques doivent contribuer à ce changement et ont beaucoup de travail face à elles.
Mais prenons également l'ensemble de l'environnement numérique. Sur ce point encore, nos membres ont beaucoup à faire pour préparer l'avenir. La banque d'aujourd'hui n'est pas la même que celle que nous verrons dans cinq à dix ans. C'est pourquoi nous avons quelque peu restructuré nos activités au cours des deux derniers mois pour pouvoir répondre aux points mentionnés précédemment.
Quelles sont les tâches les plus urgentes ?
«Le fait que les banques luxembourgeoises perdent un demi-milliard d'euros chaque année à cause des taux d'intérêt de pénalité de la BCE ne peut guère être modifié par l'ABBL. La pression des coûts ne s'est pas dissipée, mais en même temps, les taux d'intérêt bas signifient que les banques ne peuvent plus générer les revenus qu'elles ont connus dans le passé. Le marché des valeurs mobilières se porte bien. Mais même cela n'est probablement que temporaire. À un moment donné, il y aura une correction, ce qui signifie que certaines banques qui, aujourd'hui, enregistrent encore des chiffres positifs, cesseront soudainement de noter ces bons résultats. Cela conduira à une consolidation plus poussée, tant en Europe qu'au Luxembourg.
Cela signifie-t-il qu'il y aura moins de banques à l'avenir ?
«Oui, certainement. C'est une face de la médaille. L'autre est la numérisation qui fait entrer de nouveaux acteurs sur les marchés, dans le paysage bancaire. Les services de paiement en sont un exemple classique. Les banques doivent coopérer avec de nouveaux prestataires de services. Nous devons trouver notre chemin dans ce nouvel environnement. Et il est important pour nous, en tant qu'association, de travailler avec nos membres de façon à ce que ces changements ne prennent pas nos membres au dépourvu. Mieux vaut qu'ils se retrouvent armés pour façonner le changement.»
