"HPC", une idée à six milliards d'euros
"HPC", une idée à six milliards d'euros
1. Qu'est-ce que ça veut dire, HPC? Le HPC pour «High performance computer» est un super ordinateur aux capacités de calcul très importantes. Il est utilisé quand il y a des milliers ou des millions de calculs à effectuer dans un temps très court.
2. Concrètement, à quoi ça sert? Le HPC peut être utilisé à la place de crash-tests, par exemple, dans l'industrie automobile. On rentre des milliers de paramètres de calcul et on regarde les résultats pour savoir quelle est la meilleure solution. Dans le secteur bancaire, cela permet d'effectuer des milliers d'opérations en même temps ou de détecter les cours de placements ou de sociétés.
3. Comment le Luxembourg se retrouve à la tête du projet? Des industriels installés au Luxembourg et des chercheurs ont demandé de la capacité de calcul auprès de Luxinnovation. Qui a demandé au ministre de l'Economie si on ne ferait pas mieux de centraliser les demandes et la solution. Les grands groupes industriels s'y sont montrés favorables lors du Haut comité pour le développement de l'industrie. Car personne n'a besoin de ces capacités tout le temps. Parfois une journée, une demi-journée ou quelques heures. Pour financer un projet qui vaut au bas mot 100 millions d'euros, le Luxembourg s'est tourné vers la Commission qui a appelé à mutualiser la solution au niveau européen, allant même jusqu'à valider un IPCEI.
4. C'est quoi un IPCEI et ça change quoi? Un IPCEI est un projet d'intérêt européen. L'IPCEI dont le leadership a été donné au Luxembourg n'est que le deuxième dans l'histoire européenne après celui qui a été lancé pour... Airbus il y a 17 ans. A l'époque, les Européens voulaient créer une industrie aéronautique face aux Américains. Mais avec les règlements sur le marché intérieur, ce n'était pas possible sans risquer des actions contre les aides d'Etat. Ce dispositif a donc été créé pour s'affranchir de ces règles. Ce qui permet aux Etats membres de financer sur des fonds publics le développement de ces projets sans avoir à se poser de question.
5. Dans le projet HPC, il y a des chapitres? Oui. Trois. Le premier concerne les technologies exoscales, celles qui arrivent à leurs limites et auxquelles doivent succéder de nouvelles technologies. Le deuxième porte sur l'infrastructure de ce super ordinateur, qui intéresse le Luxembourg plus particulièrement même si on ne sait pas encore si le Luxembourg aura son propre ordinateur ou s'il sera client d'un de ceux qui existent. Le troisième est celui des «large scale pilots», des pilotes à grande échelle. Là encore le Luxembourg a un rôle particulier à jouer, celui d'un marché-test. Imaginez qu'on teste une application qui permette de savoir où il y a un bouchon à partir de capteurs sur les routes et de dévier le trafic en fonction. C'est plus facile qu'ailleurs.
6. Ces chapitres, ils portent sur des thèmes plus concrets? Luxinnovation, qui défriche le terrain pour le ministère de l'Economie, a identifié huit sujets sur lesquels travailler. La smart mobilité. Aujourd'hui, les données issues des voitures connectées appartiennent au constructeur alors qu'elles devraient servir à tout le monde. L'industrie 4.0 ou comment passer de la production de masse à une industrie de plus en plus personnalisée avec des capteurs et des robots pour de plus petites quantités. Le smart space et smart agriculture ou comment utiliser les drones et la technologie pour rendre l'agriculture plus efficace en termes de consommation de pesticides ou de rendement. Les smart cities, avec trois sous-domaines que sont l'énergie, l'eau et le batiment. Là encore, les applications sont nombreuses pour des économies d'eau, pour stocker l'énergie solaire... Et enfin, les FinTech, où l'utilisation des très nombreuses données du Big Data serait précieuse pour l'industrie des Fonds d'investissement, par exemple.
7. Le Luxembourg n'est pas le seul dans ce projet? Non, si le Luxembourg exerce le leadership, il est rejoint par la France, assez avancée sur l'infrastructure du super ordinateur, par l'Italie et par l'Espagne. Il fallait au moins trois pays et les autres pourront rejoindre le mouvement au fur et à mesure des développements.
8. Le commissaire Oettinger a donné le feu vert. Et maintenant? D'ici le 30 juin, le Luxembourg doit donner à la Commission un «scoring paper» avec une feuille de route sur chacun des trois chapitres pour identifier les projets qui font du sens sur nos huit thèmes et pour la période 2018-2020. Dès que Commission, Parlement et Conseil seront d'accord, de juillet jusqu'à septembre 2017 seront publiés les appels d'offres compétitifs. Les projets qui sont susceptibles de créer des emplois et générer du chiffre d'affaires seront évalués et le meilleur dans chaque compartiment sera retenu. On rentrera dans le concret.
9. Quel est vraiment l'intérêt pour le Luxembourg? Le premier est de pouvoir s'attaquer à créer des hubs sans tenir compte des histoires d'aides d'Etat. C'est plus facile d'investir. Si les Etats-Unis ou la Chine sont si avancés sur les supercalculateurs, c'est justement qu'ils ont mis parfois, comme à Singapour, jusqu'à quatre milliards de dollars pour créer cela. Ensuite, cela permet au Luxembourg d'influencer l'agenda et d'attirer des entreprises et des multinationales, de les voir installer des centres de recherche au Luxembourg. Enfin, ça permet d'anticiper et de préparer nos entreprises.
10. Mais il n'y a pas de retombées chiffrées? En euros ou en emplois? Comme il faudra attendre les résultats des appels d'offres, on ne sait pas vraiment encore combien d'emplois ou de chiffre d'affaires cela peut susciter. Mais les programmes qui ressemblent à celui-là pour les quatre dernières années ont vu des mobilisations d'argent public de 3 à 6 milliards d'euros. Donc de retombées potentielles sur l'économie du Luxembourg.
Pour aller plus loin
Les projets importants d'intérêt économiques communs ou PIEEC.
