Henri Kox mise sur la politique du «logement pour tous»
Henri Kox mise sur la politique du «logement pour tous»
«Démocratie de propriétaires, évolution des taux d’intérêt, envolée des prix de l’immobilier, croissance du nombre de ménages, pacte logement 2.0, interventions des pouvoirs publics en faveur des investisseurs immobiliers», tels étaient les thèmes annoncés au menu du débat de la Fondation Idea organisé le 6 juillet en présence du ministre Henri Kox.
Pour socle et point de départ à la discussion, le dernier recueil de la fondation sur le sujet, présent dans les mains de quasiment toutes les personnes venues assister à l’évènement. C'est d'abord Michel Wurth, coauteur du dernier recueil d’Idea, qui s'est exprimé face au public.
Il est revenu de façon ciblée sur une partie de ses réflexions, en plaidant notamment pour la nécessité d’une tripartite avec le secteur immobilier privé à l’image de celle qui existe déjà avec les partenaires sociaux. Il souhaite également la mise en place d’un deuxième marché de l’immobilier où les entreprises seraient parties prenantes pour offrir un toit à leurs employés, à l’image du secteur sidérurgique il n’y a encore pas si longtemps.
Un ministre du logement abordable avant tout
Le ministre Henri Kox a profité de la transition pour aborder le cap de sa vision pour le logement au Grand-Duché, laquelle converge précisément avec l’un des souhaits de Michel Wurth, à quelques nuances près.
Selon lui, il est incontournable d’avoir une double approche du marché immobilier au Luxembourg, ce qui finalement sous-tend l’idée d’un premier marché libre qui est inabordable selon bien des avis. Ainsi, la mise en place d’un second marché abordable serait tout du moins une partie de la solution.
Bémol cependant, puisqu’au stade actuel, celui-ci est sous-dimensionné, car il ne représente que 1,6% du stock de logement total dans la main publique. Pourtant, le ministre s’est rebaptisé «ministre du Logement abordable» avant tout à plusieurs reprises tout au long du débat et a certifié que la politique du logement suivie par le gouvernement n’était plus celle de la «démocratie de propriétaires» mais celle d’un logements pour tous. Un écho direct à la réforme annoncée de la Constitution dans laquelle devrait être inscrite l’idée selon laquelle chacun a le droit «d'avoir un toit au-dessus de sa tête» (sans forcément pouvoir accéder à la propriété un jour).
Des mesures qui prendront beaucoup de temps
«Certains dépensent 45%, voire 50% de leurs revenus dans leur loyer, et il y a même 20.000 ménages qui dépensent plus de 50% pour le logement. Le risque de pauvreté est de 17,5% dans notre pays. La charge financière est préoccupante pour les ménages.»
Le constat est placide et la volonté d’y répondre en élargissant le parc locatif honorable, toutefois, il convient de prendre en compte les calculs faits par l’économiste Michel-Edouard Ruben. Ceux-ci se basent sur des données où tous les voyants seraient au vert pour faire avancer les constructions de logements abordables dans la main publique. Irréalistes car trop maximalistes, les résultats évoquent 8-9% de logements abordables pour 2045 en bout de piste...
Ainsi, ce qui est mis en place par le ministre-le Pacte logement avec l’article 29-bis ou encore la loi sur le logement abordable et les projets d’envergure et d’aides à la pierre-va bien évidemment dans le bon sens mais mettra énormément de temps à produire les effets attendus.
En attendant, l’économiste Michel-Edouard Ruben a tout de même profité de la présence d’Henri Kox pour lui demander avec humour si des propriétaires étaient venus lui dire merci depuis sa nomination à la tête du logement. Depuis fin 2019 jusqu’à présent, il est frappant d’observer que le m² moyen a augmenté de 2.000 euros. Autrement dit, quelqu’un qui possède un 100 mètres carrés s’est enrichi de 200.000 euros depuis le début de la crise sanitaire… La réponse a été simple et efficace: «Non».
Une partie du débat mise au ban
Par ailleurs, si le ministre connait bien ses dossiers et que sa volonté d’agir est perceptible par ceux qui l’écoutent, il n’en reste pas moins que d’autres points cruciaux pour résoudre une partie des maux en matière de logement n’ont pas été abordés en profondeur, malgré plusieurs questions en ce sens.
A commencer par le sujet du taux de recours à la subvention des loyers destinée à réduire le taux d'effort des locataires. Celle-ci est perçue par environ 7.000 ménages alors que 30.000 seraient éligibles. Le ministre a affirmé devant l’audience présente que le ministère prévoyait des campagnes d’information sur le sujet.
Il y a également la question des loyers excessifs. Tancé par la question «disposez-vous de statistiques ou d’analyses qui permettent de conclure au phénomène de loyers excessifs?», posée par l’économiste Michel-Edouard Ruben, le ministre ne répond pas affirmativement, même lorsque l’économiste rappelle que la même question a été posée par un député à la Chambre en 2014. La loi n’est donc pas appliquée, et les loyers ne sont pas spécialement mesurés.
Le phénomène a pourtant déjà un garde-fou législatif avec la loi de 2006 sur le bail à usage d'habitation qui encadre les loyers et interdit les clauses de valeur (c'est-à-dire que l'adaptation automatique du loyer à l'indice des prix à la consommation est interdite).
Enfin, reste la question du bail emphytéotique qui en raison du manque de temps par rapport au débat n’a pas pu être soulevée, ce qu’a déploré Michel-Edouard Ruben. Ce dernier estime que c’est «un vrai sujet au Luxembourg» car son fonctionnement «offre tous les désavantages du propriétaire et tous les désavantages du locataire aux particuliers qui ont le logement. Pourquoi n’est-ce pas l’État ou un bailleur qui sont les emphytéotes et les particuliers des simples locataires avec des loyers abordables?». Là encore, le ministre a botté en touche.
Le ministère du Logement à lui seul ne peut cependant pas tout assumer et doit œuvrer avec d’autres ministères en synergie, en prenant en compte d’autres contraintes à l’image de la fiscalité, ou encore l’autonomie communale…
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