Fage, une consultation au goût de polémique
Fage, une consultation au goût de polémique
Huit gros classeurs, près de 900 pages : le dossier Fage est à la disposition de quiconque souhaite tout savoir sur l'implantation de l'usine de production de yaourts grecs la plus controversée du pays... La possible installation, car rien n'est fait. Alors qu'en 2016, le groupe laitier international annonçait une ouverture de son usine pour 2018, le terrain acquis sur la zone industrielle Wolser, à Bettembourg, reste vide. Tout juste vient-on d'entrer dans la phase de consultation publique, jusqu'au 12 août.
Ensuite, encore faudra-t-il que l'industriel réponde aux remarques faites par les citoyens sur tel ou tel point. Après cette enquête commodo/incommodo, il faudra que les conseils communaux de Bettembourg et Dudelange se prononcent à leur tour (et ils ne sont pas forcément d'accord!). Enfin, les ministères concernés donneront -ou pas- leur feu vert. Autant dire qu'avant 2022, rien ne devrait être opérationnel. A terme, le site est annoncé comme pouvant assurer la fabrication de près de 80.000 tonnes de yaourts grecs chaque année.
Quoi de neuf dans l'épais dossier consultable sur rendez-vous auprès de l'administration communale de Bettembourg? D'abord la confirmation que l'investissement de 100 millions d'euros pourrait créer jusqu'à 100 emplois dans un premier temps. «Voire 200 postes après extension m'a confirmé le patron de Fage qui était là début juillet», indique Dan Biancalana (LSAP). Un bourgmestre de Dudelange qui ne cache pas son espoir de voir, un jour, Fage débuter enfin son aventure industrielle.
On lit aussi quelques indications sur la voracité de l'usine en matière de produits laitiers. Si Fage s'installe, son process aura besoin de plus de 3 litres de lait pour assurer la sortie d'un seul kilo de yaourts grecs. C'est dire si la filière laitière nationale pourrait trouver un intéressant débouché avec le démarrage de cette usine. On parle là, excusez du peu, d'une consommation envisagée de 180.000 tonnes de lait par an...
Le ministre de l'Economie avait d'ailleurs tenu à rassurer la filière luxembourgeoise il y a peu. Franz Fayot (LSAP) insistant sur le fait que le groupe avait bien l'intention de s'approvisionner localement et régionalement.
Revers de la médaille, cette fabrication de yaourts entraîne aussi la production de lactosérum, un sous-produit. Le ministère de l'Environnement a reçu de l'industriel une proposition pour recycler ce déchet. Un bon point mais qui ne fera certainement pas changer d'avis, Josée Lorsché. L'échevine de Bettembourg reste une opposante à ce dossier. «Tout comme le collège échevinal d'ailleurs qui a déjà émis trois avis très critiques», souligne l'élue Déi Gréng.
L'écologiste s'inquiète notamment de la consommation d'eau nécessaire au bon fonctionnement de l'usine. Autant côté pompage dans la ressource que rejets dans les cours d'eau environnants. Fage apporte cette fois de nouvelles précisions sur le traitement accordé aux «eaux sales». A commencer par la construction éventuelle d'un canal (d'1 km de long) qui permettrait aux liquides, une fois traités et refroidis, d'être conduits vers l'Alzette. Connaissant la fragilité environnementale de la rivière, méfiance toutefois...
«Avec le bourgmestre de Bettembourg, Laurent Zeimet (CSV), nous avons choisi de nous faire accompagner d'un bureau d'études pour évaluer le dossier déposé par Fage. Même si nous n'avons pas encore à nous prononcer, il faut bien décrypter ce qui est dit au fil de toutes ces pages», explique la députée verte.
Elle notera toutefois que sa collègue verte, ministre de l'Environnement a validé la proposition d'assainissement liée à l'installation de l'industriel. La station d'épuration d'Eschdorf, attendue pour 2021, ayant été dimensionnée à la taille du projet selon la ministre de l'Environnement. Là encore, les chiffres sont impressionnants. Il est question de 3.500 m3 d'eau retournant dans l'Alzette, soit l'équivalent du volume consommé par une ville de 20.000 habitants.
L'impact environnemental concerne également une augmentation du trafic routier dans la zone Wolser, et plus largement sur les axes autoroutiers du pays. En effet, Fage envisage de distribuer ses 80.000 tonnes de yaourts grecs made in Luxembourg principalement en Europe centrale. Le ballet des camions ne devrait donc pas manquer.
Pas simple donc de trouver la bonne recette d'une implantation industrielle, compris pour une enseigne qui remonte à 1926... Même pour une société d'origine grecque qui, dès 2012, a choisi de baser son siège international à Strassen... Même pour Fage qui affirme avoir déjà dépensé plus de 41 millions d'euros dans ce projet (dont 30 pour l'achat du terrain).
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