Des approches différentes face à la crise énergétique
Des approches différentes face à la crise énergétique
La flambée des prix de l'énergie pourrait signifier un hiver encore plus froid et plus sombre en Europe, les gouvernements s'empressant de trouver de nouveaux moyens de protéger les ménages confrontés à d'énormes factures d'électricité.
Les prix de gros du gaz tournent autour de 200 € par mégawattheure. Soit huit fois plus que le niveau moyen de ces dernières années. Les prix de gros de l'électricité ont fortement augmenté suite aux difficultés de production dans de nombreux pays, et la morosité augmente.
Au Royaume-Uni, où les factures des ménages devraient atteindre 4.400 £ (5.200 €) par an au début de l'année 2023, soit environ quatre fois le niveau de la période entre 2018 et 2021, le militant des droits des consommateurs Martin Lewis a qualifié la situation de «crise nationale à l'échelle de celle que nous avons connue lors de la pandémie».
Le Royaume-Uni durement touché
Le Royaume-Uni est durement touché parce qu'il dépend fortement du gaz à la fois pour le chauffage domestique et la production d'électricité, et parce qu'il permet, contrairement à de nombreux pays européens, que les prix de gros soient transmis directement aux consommateurs, bien qu'avec un délai.
Alors que Rishi Sunak et Liz Truss s'affrontent publiquement sur les prix de l'énergie dans la course à la succession de Boris Johnson au poste de Premier ministre britannique, les gouvernements de tous bords sont confrontés aux mêmes défis sur le continent.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré mercredi que son gouvernement ferait «tout pour que les citoyens traversent cette période difficile» de forte inflation.
Intervention de l'État
Les pays européens ont des consommations différentes pour le gaz, l'électricité, le charbon ou encore les carburants routiers, mais presque tous ont utilisé le pouvoir de l'État pour protéger les clients d'une partie de l'augmentation des factures.
En juillet, le FMI a estimé que les pays européens à revenus élevés avaient déjà consacré 1 % supplémentaire de leurs revenus nationaux annuels au soutien des prix de l'énergie. Un chiffre qui, selon l'organisme, est presque certainement sous-estimé et qui devrait augmenter. Les pays européens plus pauvres, où l'énergie représente une part plus importante du budget, avaient déjà dépensé 1,7 % de leur revenu national.
22 milliards en France cette année
Le plus inquiétant est qu'une grande partie de l'argent dépensé jusqu'à présent a servi à empêcher les compagnies d'énergie de répercuter la hausse des prix sur les clients. Une tactique qui, selon le Fonds monétaire international, n'encourage pas les économies d'énergie.
En France, le gouvernement dépensera cette année environ 22 milliards d'euros pour protéger ses citoyens de la flambée des coûts de l'énergie, avec un gel des prix du gaz pour les consommateurs ainsi qu'un plafonnement de 4 % des augmentations des prix de l'électricité, deux mesures introduites en février de cette année.
Le gouvernement norvégien paie 90 % de la facture d'électricité des ménages lorsque les prix de gros dépassent les seuils prescrits. Mais même avec sa grande capacité hydroélectrique, Oslo a dû faire face à une pression politique et publique croissante en raison de son incapacité à limiter les prix élevés.
L'Allemagne a accepté de renflouer Uniper, un gros acheteur de gaz, à hauteur de 15 milliards d'euros, mais la hausse des prix du gaz sera finalement répercutée sur les consommateurs.
Réduction des taxes sur les carburants
La plupart des pays européens ont réduit les taxes sur l'essence et le diesel, allant d'une baisse de 5 pence par litre au Royaume-Uni à une baisse temporaire de 29,55 centimes par litre en France et en Allemagne.
Le prix des bonbonnes de gaz, un moyen de chauffage courant en Espagne, a été fixé par le gouvernement de Madrid jusqu'à l'année prochaine.
Si ces mesures ont été populaires auprès du public, les économistes et les gouvernements ont reconnu qu'ils devaient également offrir un soutien qui encourage les ménages et les entreprises à utiliser moins d'énergie.
Aux Pays-Bas, les prix élevés de l'électricité dans l'industrie ont entraîné une réduction de 30 % de la consommation au cours des cinq premiers mois de cette année par rapport à l'année dernière.
Les paiements forfaitaires ont proliféré dans d'autres parties de l'Europe. Tous les ménages britanniques recevront une subvention de 400 £ (473 €) pour leurs factures d'énergie cet hiver.
Des aides plus importantes en Europe centrale et orientale
En Europe centrale et orientale, les ménages consacrent une part plus importante de leur budget aux combustibles fossiles, car il s'agit de biens de première nécessité et les revenus sont plus faibles, ce qui a conduit à proposer des aides nettement plus importantes, principalement sous la forme de mesures qui ont protégé les consommateurs de la hausse des prix.
Pour la première fois depuis la fin du communisme, chaque ménage polonais peut demander une subvention unique pouvant atteindre 3.000 zlotys (640 euros) pour acheter du charbon, qui sert encore à chauffer de nombreux foyers du pays.
L'Allemagne a offert des réductions forfaitaires de l'impôt sur le revenu et augmenté les allocations, tandis que l'Italie a mis en place une «prime de vie chère» de 200 euros pour la majorité des salariés, des travailleurs indépendants et des retraités.
Des régimes ciblés
Face à l'augmentation des coûts, les pays ciblent de plus en plus leur aide sur les ménages les plus pauvres. Une politique qui, selon le FMI, est un meilleur moyen de réduire la consommation globale d'énergie.
En Italie, les plus pauvres, c'est-à-dire ceux qui gagnent moins de 12.000 euros par an, ont vu leur facture d'énergie gelée sous le gouvernement sortant de Mario Draghi, qui a cherché à concilier l'aide aux familles et le respect de l'objectif de déficit public de 5,6 % du PIB.
Aux Pays-Bas, les consommateurs à faibles revenus recevront une allocation énergétique d'environ 1.300 euros, tandis qu'au Royaume-Uni, les ménages bénéficiant d'une aide gouvernementale sous condition de ressources recevront 650 livres sterling (767 euros).
En Espagne, le gouvernement a été moins généreux envers les ménages les plus pauvres en âge de travailler, avec des paiements uniques de seulement 200 € pour les personnes gagnant moins de 14.000 € par an. Une aide plus généreuse a été accordée aux personnes percevant les pensions d'État les plus faibles, dont les paiements ont été augmentés de 15 %, ce qui équivaut à environ 60 euros de plus par mois.
Certains gouvernements ont également misé sur l'innovation et la distraction pour tenter de satisfaire les ménages dans le contexte de la crise énergétique.
La mesure politique la plus populaire, présentée comme un moyen de réduire l'utilisation de la voiture, a été l'abonnement mensuel à 9 euros par mois pour les mois de juin, juillet et août. Cette politique a suscité un engouement considérable, et les responsables politiques sont sous pression pour que ce système soit reconduit à l'avenir sous une forme ou une autre, probablement avec moins de subventions publiques.
Pour Oya Celasun, directeur adjoint du département européen du FMI, les gouvernements devraient concentrer leurs efforts sur l'aide aux ménages à faibles revenus, qui souffrent le plus de la hausse des factures d'énergie. «Les politiques devraient passer d'un soutien généralisé à une aide ciblée», a-t-elle conclu.
Cet article a été publié pour la première fois sur luxtimes.lu
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