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Ce qui fait encore obstacle à la nomination de Pierre Gramegna
Économie 6 min. 08.09.2022 Cet article est archivé
Présidence de l'ESM

Ce qui fait encore obstacle à la nomination de Pierre Gramegna

Ce qui est certain, c'est que la tâche du prochain chef de l'ESM sera de réinventer l'institution.
Présidence de l'ESM

Ce qui fait encore obstacle à la nomination de Pierre Gramegna

Ce qui est certain, c'est que la tâche du prochain chef de l'ESM sera de réinventer l'institution.
Photo: Shutterstock
Économie 6 min. 08.09.2022 Cet article est archivé
Présidence de l'ESM

Ce qui fait encore obstacle à la nomination de Pierre Gramegna

Diego VELAZQUEZ
Diego VELAZQUEZ
L'Italie fait obstacle à la nomination du Luxembourgeois à la tête de l'ESM. Vendredi à Prague, les ministres des Finances de la zone euro chercheront à sortir de l'impasse.

Les racines italiennes de Pierre Gramegna ne lui ont visiblement pas été d'une grande utilité dans sa quête d’un haut poste au sein de l'UE. Au contraire: l'une des principales raisons pour lesquelles l'ancien ministre DP des Finances n'a toujours pas été élu par les Etats de la zone euro au poste de prochain chef du Mécanisme européen de stabilité (ESM) est que c'est justement Rome qui s'oppose formellement à la nomination du Luxembourgeois.


Gramegna was one of three candidates left in the race to become the next head of the ESM
Gramegna reste en lice pour le poste au MES face à Leão
C'est la troisième fois que Gramegna tente d'obtenir un poste européen de premier plan.

Le dernier adversaire de Gramegna dans la course au poste de chef de l'institution luxembourgeoise, le Portugais João Leão, ne parvient pas non plus à rassembler suffisamment de soutien en sa faveur. Vendredi à Prague, les 19 ministres des Finances de la zone euro tenteront à nouveau de se mettre d'accord sur un candidat - il s'agit déjà de la quatrième tentative. Dans les milieux de l'Eurogroupe, on modère déjà les attentes: «Ce ne serait pas un drame si aucune décision n'était prise vendredi», déclare une source haut placée de la zone euro. Après tout, il reste encore un mois avant que Klaus Regling, l'actuel président de l'ESM, ne prenne sa retraite.

En même temps, on commence à s'impatienter à Bruxelles. Il est incompréhensible qu'il faille des mois pour trouver le prochain chef d'une institution - somme toute - de second ordre, selon les sentiments exprimés. Mais l'impasse actuelle semble difficilement surmontable.

Des règles de nomination compliquées

Un bourbier en partie liée aux règles de nomination pour le poste de chef de l'ESM. Contrairement à l'élection à la présidence de l'Eurogroupe, chaque pays ne dispose pas d'une voix égale. Les voix sont calculées en fonction de la part de chaque pays dans le capital du MES. Le candidat qui obtient 80% de ces voix devient alors le chef, et non celui qui obtient une majorité simple des voix. «Les obstacles sont donc très élevés, il n'est donc pas étonnant que cela prenne autant de temps», explique un diplomate européen.

Cela a en effet pour conséquence que les trois plus grands Etats de la zone euro, à savoir l'Allemagne, la France et l'Italie, ont un droit de veto de fait sur chaque candidat - et ces trois Etats ne sont actuellement pas d'accord sur la personne qui doit diriger l'ESM à l'avenir.

Berlin soutient Gramegna et a voté contre Leão lors du vote de juillet - les Européens du Sud ont pour leur part tendance à aller à l’inverse de l’Allemagne, jugée conservatrice en matière de politique fiscale. Leão est donc bloqué. Rome double les enchères en matière de refus en votant tout autant contre Gramegna que Leão. Les voix de l'Italie et du Portugal totalisent plus de 20% et barrent ainsi la route au Luxembourgeois.

La France, où le président Emmanuel Macron et le ministre des Finances Bruno Le Maire ne sont pas d'accord, a cherché une voie médiane: Paris a voté pour Leão et s'est abstenu, selon les informations, sur Gramegna. Le chef de l'Eurogroupe Paschal Donohoe avait introduit l'abstention lors du dernier vote en juillet afin d'assouplir la procédure de sélection: si un pays s'abstient, sa part du capital du MES est tout simplement écartée lors du décompte des voix. Paris a donc pu soutenir Leão (souhait de Macron) sans bloquer en même temps Gramegna (il se dit que Le Maire veut soutenir la candidature de Gramegna).

Si Rome ou Berlin ne changent pas d'avis vendredi matin, l'impasse subsistera: «Des progrès ont été réalisés, mais il n'est pas encore clair si cela suffira pour prendre une décision finale», estime une source haut placée de la zone euro.

Crise de sens

Quelle que soit l'issue, le futur chef de l'ESM aura une tâche herculéenne à accomplir. Car si l'institution veut continuer à exister, elle devra se réinventer entièrement.

«Lors de sa création en 2012, l'ESM était considéré comme une grande réalisation qui a permis de résoudre la crise de l'euro», explique Grégory Claeys, expert financier au sein du groupe de réflexion Bruegel. «Sans les prêts de l'ESM, la Banque centrale européenne n'aurait sans doute pas pu sauver la monnaie unique européenne.»

L'ESM a une image toxique dans le sud de l'Europe.

Grégory Claeys, expert financier

Basé au Luxembourg, il a en effet pour mission de soutenir les États membres surendettés de la zone euro en leur accordant des prêts et des garanties conditionnés à des réformes. L'ESM est sans doute la partie la plus visible de ce que l'on appelle le «Plan de sauvetage de l'euro», qui a été créé au cours des crises de l'euro et de la Grèce pour stabiliser la zone euro.

Mais il y un problème: après la crise de l'euro, l'ESM s'est révélé «inutile», selon Claeys. Car depuis 2015, le fonds n'a plus accordé d'aide financière - ce pour quoi il avait pourtant été créé. «Malgré les prêts généreux accordés par l'ESM pendant la crise du covid, aucun pays n'a voulu de cet argent. Cela est certainement lié à l'image négative de l'institution dans le sud de l'Europe».


Pierre Gramegna remains in the race to become the next head of the ESM, but a decision has been delayed
Pierre Gragmegna devra encore un peu patienter
L'ancien ministre des Finances ne saura que la semaine prochaine s'il sera sélectionné pour obtenir le poste de directeur général du Mécanisme européen de stabilité (ESM).

Car pour de nombreux Européens, l'ESM est devenu au fil des ans synonyme de la politique d'austérité sans cœur de l'UE autour de la crise de l'euro. «En conséquence, il est politiquement très délicat pour un gouvernement d'Europe du Sud d'y demander de l'argent», explique Grégory Claeys.

«Il est donc légitime de se poser la question de la raison d'être de l'ESM», explique l'expert financier.

«En 2020, il n'a rien apporté et le fonds NextGenerationEU a finalement fait ce pour quoi l'ESM a été créé à l'origine». Et l'élargissement du fonds de reconstruction - peut-être dans le cadre de la crise énergétique - est actuellement plus à l'ordre du jour que de nouveaux financements de l'ESM, estime Claeys.

«C'est une évolution positive», poursuit l'expert. Car contrairement aux fonds de l'ESM, qui sont attribués par les États membres, le fonds NextGenerationEU a été piloté par la Commission européenne. Cela rend l'instrument plus flexible et politiquement plus cohérent. Dans le cas de l'ESM, il est souvent arrivé que les Etats prêteurs exigent des réformes d'austérité pour des raisons de politique intérieure, afin de plaire à leurs électeurs. «On peut toutefois se demander dans quelle mesure cela a été utile pour la Grèce et la zone euro», analyse Claeys. De plus, la Commission européenne a montré avec NextGenerationEU qu'elle pouvait maîtriser la répartition et la vue d'ensemble de programmes de plusieurs milliards. La création de l'ESM repose en partie sur le fait que des pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas ne font pas encore confiance à la Commission européenne.

La tâche du prochain chef de l'ESM sera donc de réinventer l'institution. Si elle n'y parvient pas, elle pourrait mourir en silence dans dix ans, estime Claeys. «Ce serait une bonne nouvelle, car cela signifierait qu'il n'y a pas eu de crise rendant l'ESM nécessaire. Et qu'il y a eu suffisamment de confiance entre les Etats de l'UE pour rendre durable le système plus solidaire NextGenerationEU dans les aides financières mutuelles».

Cet article a été publié pour la première fois sur www.wort.lu/de

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