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À quand un fonds souverain?
Économie 5 min. 26.08.2014 Cet article est archivé
Participations de l'Etat

À quand un fonds souverain?

L'idée d'un fonds souverain a souvent été évoquée pour protéger les intérêts luxembourgeois
Participations de l'Etat

À quand un fonds souverain?

L'idée d'un fonds souverain a souvent été évoquée pour protéger les intérêts luxembourgeois
(PHOTO: SHUTTERSTOCK)
Économie 5 min. 26.08.2014 Cet article est archivé
Participations de l'Etat

À quand un fonds souverain?

L'Etat détient pour près de trois milliards d'euros de participations dans 87 structures, sociétés cotées ou non, établissements publics et institutions financières. Ce chiffre, témoigne de l'importance de créer un outil de gestion plus efficace pour moderniser le pays et, surtout, se préparer au défi du vieillissement.

Personne ne s'y est attardé: alors que deux gouvernements se sont successivement prononcés en faveur du rachat des parts de l'Etat dans Cargolux par les Chinois de HNCA, le conseil d'administration traîne des pieds. Il sent bien qu'en interne, les salariés et leurs syndicats sont inquiets que leur savoir-faire puisse être un jour complètement transféré en Chine et que Cargolux ne soit plus à Luxembourg au mieux qu'une coquille vide. Un emblème devant lequel les anciens viendraient, le dimanche, regretter un passé glorieux.

Seulement, au fond, le conseil d'administration pouvait-il légitimement s'opposer à ce choix du décideur politique alors que la plupart des administrateurs sont, directement ou indirectement, des représentants des intérêts de l'Etat? Et quel est l'intérêt de l'Etat?

Des objectifs variés
 et pas toujours compatibles

Le sujet des participations et de l'intervention de l'Etat dans l'économie est si sensible qu'il y a des années que le Luxembourg s'interroge sur l'opportunité de créer un outil de gestion spécifique, comme un Fonds souverain. Car il s'agit tout autant de veiller aux fleurons nationaux, à leur développement, à l'emploi qu'ils représentent, qu'à préserver leur présence comme autant d'étendards d'un pays qui a besoin d'exister sur la carte du monde pour attirer d'autres investisseurs ou d'autres entreprises, qu'à valoriser le patrimoine qu'à... gagner de l'argent pour pouvoir investir sur de nouveaux développements. C'est souvent sur ce dernier sujet que commencent les polémiques: face aux contraintes budgétaires, il est de prime abord tentant de se défaire de quelques participations pour renflouer les caisses vides.

Même si ces participations ramènent chaque année des dividendes toujours bienvenus (205 millions d'euros en 2011, 100 en 2012, 140 en 2013 et 150 sont prévus dans les documents de programmation budgétaire), il peut être tentant de se séparer de certains actifs. Avec, à ce moment-là, un autre problème, celui de leur valorisation réelle. D'autant qu'il est à prendre avec des pincettes parce qu'il ne tient compte ni de la valeur de marché des sociétés cotées (2 milliards), ni des engagements luxembourgeois avec les institutions internationales (2,8 milliards ne sont pas «payés»)

Le fonds souverain, 
un serpent de mer

C'est d'ailleurs ce que soulignaient les négociateurs de la coalition, à l'automne dernier, face au directeur du Trésor, Georges Heinrich. A un directeur qui indiquait que «la valorisation des participations de l'Etat dans le capital de sociétés cotées en bourse est évidemment fonction de paramètres dépendant des marchés financiers» et que «les participations détenues par l'Etat dans des sociétés commerciales non cotées en bourse et dans les établissements publics sont inscrits au bilan financier de l'Etat à leur valeur nominale (quote-part de l'Etat dans le capital souscrit et non pas dans les fonds propres)», les négociateurs plaidaient «pour un regroupement et une gestion plus stratégique des participations de l'Etat», demandant au directeur du Trésor de «soumettre des propositions», y compris sur l'opportunité de créer un fonds souverain.

Ils sont nombreux à soulever la problématique régulièrement, de la Chambre des salariés à la Chambre de commerce en passant par le président de la Banque centrale de Luxembourg, Gaston Reinesch, ou l'association luxembourgeoise des actionnaires-investisseurs privés (Investas). Certains, comme la Chambre de commerce, y voient même le moyen d'essayer de dégoupiller la bombe à retardement du vieillissement et du paiement des pensions...

Georges Heinrich débarqué par le nouveau ministre des Finances au profit d'Isabelle Goubin, il reviendra à cette experte des finances publiques aux multiples casquettes qui vont du secrétariat du Haut comité pour la place financière à la coordination de la présidence luxembourgeoise de l'Union européenne en 2015 en passant par le comité exécutif de la Luxembourg for finance ou la présidence de l'Agence de technologie de transfert financière, d'émettre des propositions.

L'exercice est extrêmement périlleux. L'économie luxembourgeoise, ouverte aux quatre vents, doit trouver le moyen de se protéger d'investisseurs internationaux sans vergogne. Elle sera 
confrontée à moyenne échéance 
au défi de financer les retraites. Mais l'idée d'un Fonds souverain, 
si souvent dégainée sur la base du modèle norvégien, se heurte à quelques fondamentaux de l'instrument.

Un modèle luxembourgeois 
difficile à trouver

Pour les spécialistes, créer un fonds souverain n'a de sens que lorsque l'économie est dans une phase ascendante avec une perspective de croissance manifeste. C'est dans la marge budgétaire qui va se dégager qu'il devient imaginable d'essayer de jouer un rôle pro-actif.

Ensuite (lire ci-dessous), les développements des fonds souverains dans un certain nombre de pays sont la plupart du temps liés à la présence de richesses naturelles, du pétrole au gaz en passant par les minerais rares.

Enfin, il faudra pouvoir écrire ce que nos voisins français appellent depuis le 2 août 2013 seulement «une doctrine de gestion» avec le souci de préserver ses acteurs des risques de conflits d'intérêts tout en s'adaptant à la taille et aux contraintes. Le modèle luxembourgeois devra emprunter au fonds de stabilisation, probablement par des outils financiers, au fonds de financement de retraite et au fonds d'optimisation. Ce qui implique au moins deux compartiments, au niveau de risque différent, plus élevé pour le financement à venir des retraites que pour la stabilisation de l'économie. Autant de curseurs auxquels il va falloir bien réfléchir avant se lancer dans l'aventure.

Thierry Labro

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