Réalisme et dépouillement
Réalisme et dépouillement
PAR SOPHIE KIEFFER
La 37e édition du festival du film italien de Villerupt débute ce samedi. Elle a pour thème «La famille dans tous ses états». «La récurrence d'un thème dans un grand nombre de films nous donne envie de l'explorer», note Oreste Sacchelli, délégué artistique du festival. «A Cannes, deux des trois films présentés – ,L'Incomprise‘ et ,Les Merveilles‘ – traitaient de la famille. A Venise aussi, plusieurs films parlaient de la famille.»
Les organisateurs suivent de près la production cinématographique italienne, du tournage à la sortie en salle. «Cela nous donne un panorama assez représentatif, ne reste plus qu'à dégager les films que nous jugeons être les meilleurs et les plus représentatifs», explique Oreste Sacchelli. Soit des films qui ont connu un grand succès en Italie, qui explorent un certain genre, qui ont gagné des prix dans d'autres festivals ou qui méritent tout simplement le détour.
Ces films seront primés. «Le jury jeune et le jury professionnel jugent des premiers et des seconds films. Le jury de la critique voit des films en avant-première. Le jury des exploitants aura à juger de films sur lesquels nous avons investi en payant le tirage de la copie ou le sous-titrage qui n'existait pas avant parce que nous croyons en eux», poursuit Oreste Sacchelli.
Mais un festival doit-il nécessairement primer des films? «Au début, nous n'avions pas de prix. Nous faisions voter les spectateurs pour connaître leurs goûts. Parfois, certains films n'étaient pas vus alors qu'ils étaient très bons. Il nous est apparu qu'il fallait indiquer les films à voir au public». Ce qui explique qu'à Villerupt les prix sont remis avant la fin du festival, le 7 novembre, alors que le festival se termine le 11. «Cela nous permet de rediffuser les films primés les jours suivants et d'aiguiller les spectateurs», ajoute le délégué artistique.
Le cinéma italien se porte bien
Les prix décernés à Villerupt servent également de référence aux distributeurs. Ils leur fournissent un argument de promotion des longs métrages. «Lorsqu'un film italien est pris en charge par une association, il attire plus de monde dans les salles et fonctionne beaucoup mieux», explique Oreste Sacchelli.
Le cinéma italien se porte bien, même si sa mort a souvent été annoncée: «La grande bellezza» a obtenu un Oscar et «Le Meraviglie» ont obtenu le grand prix du jury à Cannes. Cependant, il a changé. «Il y a eu une rupture à la fin des années 1970. Nous essayons de le montrer. Au moment où le cinéma italien était très diffusé, le cinéma américain connaissait une certaine crise. Aujourd'hui, il reste peu de place pour les autres cinématographies», regrette Oreste Sacchelli.
Le cinéma italien d'aujourd'hui comme celui d'hier porte une attention très forte à la réalité de la société. «On dit que pour être cinéaste en Italie, il faut être plongé dans la société, penser politique, littérature, culture, art... avant de penser cinéma». Il est également marqué par la comédie avec une constante pour le comédien-clown Auguste autour duquel se construit le film. Enfin, les histoires «ne sont jamais simples», très ramifiées. Les clichés des héroïnes plantureuses et brunes juchées sur des mobylettes sont révolus. «L'époque n'est plus où on allait chercher les comédiennes dans les concours de beauté et où on mesurait leur talent à leurs mensurations». On assiste à un retour du dépouillement. Les films tournés dans les grands studios sont plus rares et il y a davantage de tournages en décors réels grâce notamment aux aides à la production désormais fournies par les régions et plus par l'Etat.
A cheval sur la frontière
Le festival est également connu pour son aspect transfrontalier. Des films sont montrés dans des salles luxembourgeoises et les jurys ont des membres luxembourgeois. La Cinémathèque de Luxembourg a lancé en parallèle un cycle sur la comédie à l'italienne.
Oreste Sacchelli conclut: «Nous voulons encourager une migration constante des publics de part et d'autre de cette ligne factice qu'est la frontière pour découvrir la richesse culturelle qu'il peut y avoir d'un côté comme de l'autre. »
