On a grimpé sur le toit du Centre Pompidou-Metz
On a grimpé sur le toit du Centre Pompidou-Metz
Il a beau accueillir 300.000 à 350.000 visiteurs par an, le Centre Pompidou-Metz regorge de recoins qui ne s'offrent aux yeux que de rares privilégiés. Et ces derniers seront un peu plus nombreux que d'ordinaire, durant ce mois d'août. Certains de ces endroits inaccessibles peuvent en effet exceptionnellement se découvrir, à l'occasion d'une série de rendez-vous intitulés «Visites sur le toit».
Aux manettes de ces visites inédites, on retrouve Christian Bertaux, le responsable du bâtiment du Centre Pompidou-Metz. «L'idée a germé dans ma tête il y a moins de deux semaines. Je donne cette visite complète de l'établissement à tous les nouveaux salariés, et je me suis dit ''Pourquoi ne pas la proposer au public?''», sourit l'intéressé.
Le public, lui, a directement été emballé. En témoignent les six événements qui se sont remplis à une vitesse impressionnante, aucune place ne restant désormais disponible à la réservation. Et en passant cette heure et demie en compagnie de Christian Bertaux, nous comprenons rapidement pourquoi.
3.500 tonnes de béton armé, bois et acier
Le rendez-vous est donné dans le forum où notre guide d'un jour nous livre de premiers éléments sur la construction de ce bijou architectural. «Il faut savoir que nous nous trouvons dans une zone marécageuse, donc que le bâtiment a été construit sur 405 pieux d'un mètre de diamètre et de douze mètres de profondeur.» Il fallait bien ça pour soutenir ce mastodonte de 3.500 tonnes de béton armé, bois et acier.
Après un passage auprès des différentes maquettes représentant l'évolution du projet situées dans le foyer, le groupe passe rapidement une porte étiquetée «sans issue». C'est là que l'exceptionnel commence. Nous nous trouvons au niveau de la porte d'entrée des œuvres du Centre Pompidou-Metz. «C'est ici qu'elles arrivent, à bord de camions banalisés, et qu'elles sont examinées afin de voir si le transport ne les a pas endommagées», explique Christian Bertaux.
Si elle ne présente aucun défaut, l'œuvre peut ensuite rejoindre sa place en galerie d'exposition, et est transportée si nécessaire vers l'une des trois galeries situées à l'étage via un monte-charge. Et pas n'importe lequel, puisqu'il s'agit là d'un des plus gros d'Europe avec une capacité de neuf tonnes. Nous l'empruntons pour continuer la visite.
Direction le troisième étage, à l'arrière du bâtiment, où est régulée la qualité de l'air du musée. Car si le transport n'a pas abîmé les œuvres, leurs conditions d'exposition, elles, le peuvent. «Les normes de conservation sont situées à une température de 20°C avec une marge de plus ou moins 2°, tandis que l'hydrométrie doit être située à 50% avec une marge de plus ou moins 5%», explique le responsable du bâtiment. À la fin du prêt, l'œuvre est restituée à son propriétaire avec une courbe contenant ces deux variables, lui permettant de vérifier que les conditions idéales de conservation ont été respectées.
La membrane qui recouvre la charpente fait une surface totale de 8.000m², soit l'équivalent de deux terrains de football.
Christian Bertaux, responsable du bâtiment du Centre Pompidou-Metz
La visite suit son cours en direction de l'emblématique toiture du bâtiment, et les anecdotes aussi. «Vu du ciel, les hexagones formés par la charpente sont parfaitement identiques, même s'ils n'en ont pas l'air vu d'en bas.» «Avec son coût d'environ 70 millions d'euros, le Centre Pompidou-Metz se trouve être l'un des bâtiments de musée les moins chers de France au mètre carré.» «La membrane qui recouvre la charpente fait une surface totale de 8.000m², soit l'équivalent de deux terrains de football.»
Deux escaliers supplémentaires gravis et nous voilà à 27 mètres de hauteur, juste en dessous de ce toit iconique. Sa forme de chapeau chinois nous enveloppe et donne la sensation de voir la charpente s'entremêler à perte de vue. «Nous sommes ici à l'emplacement originel du restaurant du Centre Pompidou», nous apprend Christian Bertaux, qui s'occupe de la maintenance et des travaux du bâtiment depuis son ouverture.
Et s'il n'est aujourd'hui pas possible de manger avec une vue imprenable sur la cathédrale de Metz et la ville tout entière comme l'avaient imaginé les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines, c'est pour une raison administrative. «A 27m, on devient immeuble de grande hauteur, et on doit répondre à énormément de normes de sécurité, c'est-à-dire qu'on double le coût du bâtiment.»
Tandis que chacun en prend plein les yeux, entre le panorama sur la ville et le toit, Christian Bertaux continue ses anecdotes et s'attarde évidemment sur la charpente et la membrane, qui composent le toit. La première a failli ne jamais permettre au musée d'ouvrir ses portes, en 2010. «Aucune assurance ne voulait assurer la charpente. Le préfet et le maire de l'époque ont poussé pour l'ouverture, et après quelques jours sans assurance, c'est finalement un super assureur qui a pris le relai.»
Une toile autonettoyante
La toile, elle, a posé d'autres défis, notamment en 2010, lorsqu'elle s'est déchirée à plusieurs reprises sous l'effet de la neige. «Il avait neigé l'équivalent de 20cm à deux reprises. Le toit n'était pas conçu pour résister à une telle quantité de neige, et d'une certaine manière, heureusement que la toile a cédé, sinon c'est la charpente qui aurait été sévèrement endommagée», indique notre guide. À l'heure actuelle, les procédures judiciaires sont encore en cours, et une solution technique durable doit être mise en place prochainement.
Composée de titane, la membrane est autonettoyante... mais elle bénéficie tout de même d'un bon coup de savon une fois par an. En effet, en vieillissant, la toile s'est voilée, et du nickel s'est inséré dans ces espaces, entravant le nettoyage automatique du matériel. «Nous avons eu une chance phénoménale cette année, le nettoyage a eu lieu deux semaines après les pluies chargées de sable du Sahara, qui avaient bien coloré le toit.»
Après en avoir pris plein les yeux et les oreilles, il est déjà l'heure de redescendre de ce point de vue, tout en sachant pertinemment qu'on aura très peu de chance d'y remonter. En effet, pour le moment, aucune pérennisation des ''visites sur le toit'' n'est à l'agenda. «C'est très sympa, mais cela prend beaucoup de temps, que je ne suis pas en mesure de consacrer chaque semaine à ce rendez-vous», fait part Christian Bertaux, tout en n'excluant pas un possible retour ponctuel de l'événement.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
