«Notre plus grande priorité restera la qualité»
«Notre plus grande priorité restera la qualité»
Il est le «monsieur cinéma» du Luxembourg City Film Festival: Alexis Juncosa, 46 ans, directeur artistique et responsable de la programmation du festival depuis 2011, fait le point sur l'édition 2019 et explique pourquoi il ne voudrait pas qu'on dise un jour que le festival a atteint sa vitesse de croisière. La grande fête du cinéma a débuté mercredi soir avec comme film d'ouverture «Gloria Bell» du cinéaste chilien Sebastián Lelio.
- Alexis Juncosa, s’il n'existait qu'un seul mot pour décrire le «Luxembourg City Film Festival», ce serait lequel?
Ce serait le mot «panorama». Nous montrons un éventail de la création cinématographique contemporaine. Nous ne réinventons pas la roue, mais nous nous basons sur la réalité luxembourgeoise avec son caractère très cosmopolite. Nous calibrons le caractère international du festival sur celui de la ville qui l’accueille.
- Pour cette édition 2019, de quoi êtes-vous particulièrement fier?
De beaucoup d’éléments différents, notamment des invités qui nous font l’honneur de leur présence: Darius Khondji, l’un des plus importants chefs opérateurs au monde, Abderrahmane Sissako, éminent représentant du cinéma africain contemporain, Mike Leigh, grand cinéaste anglais en activité. Au niveau des œuvres nous avons notamment le cinéaste américain Harmony Korine qui vient présenter son film «The Beach Bum» que nous serons les deuxièmes au monde à découvrir en exclusivité. Un autre élément qui se ressent beaucoup cette année: nous pouvons offrir une très belle représentation féminine. 50 % des films de la compétition ont été réalisés par des femmes.
- 97 films seront à découvrir, lequel est votre préféré?
Il y en a beaucoup, et comme je ne peux pas mettre en avant un film qui est en compétition, je vous cite une pépite parmi les œuvres hors compétition dont je suis fan à titre personnel. Un petit film qui vient d’Amérique du Sud et qui s’appelle «Los Silencios». Ce film illustre à lui seul la vitalité de la scène d’Amérique latine qui d’ailleurs est bien représentée parmi nous par le président du jury, l’Argentin Pablo Trapero, plusieurs fois sélectionné en compétition officielle à Cannes, un des grands noms de la nouvelle génération des cinéastes de cette partie du monde.
- Le Festival en est déjà à sa neuvième édition. A-t-il atteint sa vitesse de croisière?
Je pense qu’il faudra qu’on arrête de faire le métier du programmateur de festival le jour où l'on considérera qu’il a atteint sa vitesse de croisière. C’est à ce moment qu’un festival commence à péricliter. Le leitmotiv de l’équipe sera toujours d’essayer de trouver de nouveaux moyens pour vitaliser le festival. Cette année, nous avons mis en place une petite révolution, puisque nous allons lancer les projections en journée.
- Le public suit le festival, mais sait-on quel genre de films il demande le plus?
Nous commençons seulement à connaître notre public, nos habitués du documentaire, de la fiction ou des films luxembourgeois. Nous les croisons dans les salles, et nous avons la chance d’être à une taille de festival, où nous pouvons encore discuter avec les spectateurs à la sortie des séances. Nous faisons par ailleurs de belles rencontres avec le public dans notre quartier général. Certains viennent de l’étranger pour assister à ce festival. Mais nous n’avons pas un seul public, mais des publics, et c’est cela qui est intéressant. Nous avons des spectateurs qui ne vont qu’aux avant-premières des films et coproductions luxembourgeoises, d’autres qui ne s'intéressent qu’aux documentaires, et enfin des vrais amateurs de fictions. Il y a aussi des communautés qui se retrouvent autour des films de leur pays, et nous avons des cinéphiles qui papillonnent.
- Les prix que vous donnez aux films, quelle valeur ont-ils pour les productions primées?
Se trouver en compétition officielle est pour la plupart des productions essentiel, pour certains films c’est même décisif au niveau de leur distribution. Pour les ayant-droits d’un film le caractère compétitif du festival est un argument important.
- Le LuxFilmFest a été un des premiers festivals à décerner en 2018 son «Grand Prix» au film israélien «Foxtrot». Que ce film ait fait des vagues par la suite, était-ce pour vous une satisfaction?
Bien sûr. D’ailleurs c’est quelque chose qui nous arrive quasiment chaque année. Si on prend l’exemple ne serait-ce que de cette année, alors que le festival n’a même pas commencé, quelques jours seulement après avoir annoncé notre sélection, le documentaire «Free Solo» a gagné l’Oscar du meilleur documentaire 2018. Bien évidemment, cela nous confirme dans nos choix, mais nous ne voulons pas non plus que montrer des monstres de compétition. Pour nous, les petits films qui passent souvent sous les radars sont aussi importants que les grands.
- En 2020 le festival fêtera son dixième anniversaire. Quel cadeau ferez-vous aux cinéphiles?
Tout dépendra des discussions politiques et budgétaires qui auront lieu après le festival 2019. Nous sommes à plus de 40% de financements privés. La partie du budget qui vient des fonds publics est un plus grand gage de stabilité et de pérennisation que la partie privée. Après cette édition 2019, nous allons rencontrer la scène politique. Le festival a beaucoup plus grandi qu’on aurait pu l’imaginer au départ – plus de 30.000 participants l’année dernière. On devra trancher. Veut-on inviter plus de personnalités du monde du cinéma sachant que les déplacements sont chers? Veut-on plus de films exclusifs et de petites productions? Ou veut-on développer encore davantage l’aspect «B2B», c’est-à-dire les rencontres d'associations professionnelles? Nous savons qu’aujourd’hui plusieurs films sont en train de se faire parce que des gens se sont rencontrés pendant le LuxFilmFest – pour nous c’est une source de satisfaction énorme. Mais ce qui me semble clair dès à présent: notre plus grande priorité restera de travailler la qualité.
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