Le Luxembourg City Film festival fera son cinéma
Le Luxembourg City Film festival fera son cinéma
Depuis 2011, Alexis Juncosa tient les manettes du LuxFilmFest. Ce festival qui, avant 2015, se titrait encore Discovery Zone. L'an dernier, l'apparition des premiers cas de covid avait brusquement interrompu l'édition 2020, mais pas question d'afficher le mot FIN face au virus et l'événement cinématographique est prêt à se relancer dès ce jeudi 4 mars.
Aujourd’hui, êtes-vous un directeur de festival heureux, stressé ou dépité?
Alexis Juncosa : «Stressé, un peu comme toujours, peut-être cette année un peu plus que d’habitude. Mais surtout très heureux. Surtout de notre sélection de cette année, malgré les circonstances.
Quels souvenirs gardez-vous du 12 mars 2020 quand il fallu décider de stopper la dixième édition du festival?
"En fait on s’y attendait un peu puisque la fréquentation baissait depuis quelques jours. Paradoxalement, c’était aussi une forme de soulagement face à la nécessité de mettre tout le monde en sécurité. Notre équipe, nos invités et notre public. On était pris dans l’urgence du moment et une fois la poussée d’adrénaline passée est venue la déception.
Alors, fallait-il organiser cette année un festival?
«Absolument! Il était important de refaire un festival. En cette période de crise il faut pouvoir se changer les idées. Beaucoup de personnes nous ont écrit ces derniers jours pour nous remercier. Ces personnes ont un réel besoin de retrouver des contenus culturels, tout comme des moments de vivre ensemble.
Le pessimisme ne réservant que de bonnes surprises, nous avons très tôt émis l’hypothèse que cette année encore nous pourrions être bloqués. En avril 2020, tout le monde nous prenait pour des fous, mais nous voulions être prêts pour l’édition 2021. C’est pourquoi nous avons travaillé sur trois scénarios parallèles, trois éditions différentes : une normale, une hybride et une digitale.
2021 sera donc finalement une édition hybride...
«Notre priorité reste encore et toujours les projections en salle. Nous devons aussi respecter le protocole sanitaire actuel limitant la jauge à 100 spectateurs. C’est pourquoi nous avons mis en place une programmation digitale de contenus que les spectateurs pourront découvrir depuis chez eux. Pour jouer le jeu d’un festival, ces contenus ne seront disponibles en ligne que le lendemain des projections en salle. De plus, nous avons renoncé à la venue d’invités internationaux.
Un festival sans tapis rouge, sans paillettes et sans stars, est-ce finalement le moindre mal?
«Il y a deux types de festivals. Ceux qui misent sur les stars, les personnalités pour attirer le public. Et il y a ceux qui, comme nous, misent sur la qualité des œuvres. Notre choix, motivé par des choix philosophiques et budgétaires, est devenu notre chance et a contribué à notre notoriété. Car les bons films, c’est ce qui reste quand les invités ne peuvent plus venir. Je crois que cette année, on a tout de même réussi à bricoler quelque chose de très satisfaisant.
William Friedkin nous avait donné son accord pour venir, c’est un grand honneur. Il s'était fait vacciner pour le festival. Quand on a pris la décision d’annuler les invitations, il a accepté d’animer une master class exclusive pour nous depuis Los Angeles. Terry Gilliam, à qui nous rendons hommage cette année, a pris l’engagement de faire sa master class au Luxembourg dès que la situation le lui permettrait.
Cette année, vous avez dû composer avec les sites de streaming, qui souvent réservent les films en avant-première.
«Ce n’est pas qu’une question de streaming, mais le point complexe reste l’industrie du cinéma qui, pour le moment, ne sait pas ce qu’elle veut faire de ses films. Les droits ne sont pas encore dégagés, tout le monde attend la réouverture. Il faut des festivals pour que les vendeurs et les distributeurs s’échangent les films. Sans ces festivals (et les marchés qui les accompagnent), à Berlin ou à Cannes, les films ne sont pas disponibles.
Ensuite, tout le monde a beaucoup consommé sur les plates-formes qui commencent à chasser les films sur le terrain qui était celui des festivals. Cela ne sert à rien de montrer un film qui est déjà disponible en streaming. Toutes ces problématiques font que bon nombre de titres ne sont effectivement pas disponibles. Berlin a annulé son édition physique, ce qui bloque aussi des films que l’on voulait présenter ici après leur première prévue sur l’un des très gros festivals. D’autres films partent sur Cannes et ne seront pas disponibles pour le LuxFilmFest.
Comment avez-vous fait votre programmation parmi les 500 films proposés?
"Ce chiffre de 500 ne représente que le résultat du choix du comité de sélection après un tri sélectif en amont. Le choix se fait toujours sur un principe de consensus du groupe, chacun mettant en retrait ses affinités personnelles dans l’intérêt du festival. On a eu la chance de pouvoir sélectionner uniquement des films qu’on aime, sans devoir faire des choix par défaut. On aurait largement eu de quoi faire deux compétitions.
Dans les sections Fictions et Documentaires ne figure aucune production luxembourgeoise. Pourquoi?
«Nous n'avons jamais voulu rendre systématique la présence luxembourgeoise. Ce serait la pire des erreurs. Les autres pays font de même. Ce serait une forme de discrimination positive et préjudiciable pour les œuvres. Le niveau de la production d’ici est incroyable et monte en puissance. Cette année plusieurs films ne peuvent être montrés ici, parce qu’ils étaient d’abord prévus pour Berlin ou Sundance.
Et puis de nombreux autres films sont présentés dans le cadre de «Made in Lux», ce n’est pas une sous-catégorie. On vit aujourd’hui dans un contexte particulier, mais les choses vont revenir, c’est certain.
Votre jury pour le Grand Prix délibérera depuis un salon parisien. Ce choix a de quoi surprendre...
«Des collègues d’autres festivals européens sont jaloux de ne pas avoir eu l’idée. Tout le monde en a ras-le-bol des discussions et des délibérations sur Zoom. On a décidé d’aller dans un endroit proche où des personnalités vivent, Paris est pour ça le plus simple, et de leur proposer de regarder les films en ligne mais de débattre en présentiel. Cela n’aurait pas été responsable de faire venir les jurés à Luxembourg.
Quel est votre souhait pour cette édition 2021?
«Notre rêve est que le public se rende compte que l’on peut revenir au cinéma (c’est safe), qu'on peut y prendre du plaisir. Ce festival doit être le redémarrage de la pratique cinématographique en salle.»
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