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Grand Corps Malade: «J'aime bien le mot partage»
Culture 6 min. 21.06.2018 Cet article est archivé

Grand Corps Malade: «J'aime bien le mot partage»

Grand Corps Malade: «J'aime bien le mot partage»

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Grand Corps Malade: «J'aime bien le mot partage»

Marc THILL
Marc THILL
Fabien Marsaud présentera ce jeudi au Centre Neimënster son nouvel album «Plan B» qui fait allusion à son revirement de carrière. Après un grave accident qui a failli le laisser tétraplégique, ce jeune homme destiné au départ à une carrière sportive choisit le slam pour soigner ses maux.

Derrière son pseudonyme Grand Corps Malade, le slameur enchaîne les succès, multiplie les festivals et récitals et remporte deux Victoires de la musique en 2007. Avant de faire résonner son «flow millimétré» au pied de la falaise du Grund, ce poète urbain des temps modernes s'est confié au «Luxemburger Wort».

Parlons d'abord du slam. Comment le définiriez-vous?

C'est avant tout un moment de rencontre et de poésie à l'oral. La scène est ouverte à tous. Il y a mille définitions possibles, mais là où on est tous d'accord, c'est de dire que c'est de la poésie scandée, dans la plus pure tradition du slam à la base, c'est du «a cappella», le mot à nu sans support musical, sans artifices.

Le slameur est-il un poète, un troubadour ou un griot – ou bien un peu des trois?

Je dirais qu'il est un peu des trois – mais le slam se passe bien des étiquettes. On peut appeler celui qui scande de la poésie poète, troubadour ou griot. A partir du moment où de la poésie se met sur de la musique, on peut aussi appeler cela des chansons.

Quelle est la différence entre slam et rap?

Le rap ne vient pas du même endroit que le slam. C'est toujours sur de la musique, surtout sur un tempo rapide. Le slam, ce sont d'autres univers, il se déclame dans de petits bars. Des poètes scandent des poèmes qui sont à des kilomètres du rap. Le slam est plus large.

Vous êtes donc porté sur les textes, sur les mots, sur les formules – qu'est-ce qui vous inspire? Qu'est-ce qui vous pousse à écrire des poèmes?

Tout m'inspire. C'est comme pour le chanteur, le poète ou l'auteur – on s'inspire de ce qui se passe autour de nous: la famille, les enfants qui sont des sources inépuisables d'inspiration, mais aussi l'actualité, ce qu'on voit dans la rue, l'état du monde. J'ai fait six albums dont les thèmes sont très larges, très variés.

Quelles sont vos inspirations musicales? Qu'écoutiez-vous, enfant?

La chanson française, Aznavour, Brel, j'ai eu la chance de découvrir très tôt également le rap français, le bon rap basé sur les textes, et le mélange de tout ça m'a donné le goût des mots.

Vous avez toujours un carnet sur vous pour noter, ou est-ce un procédé plus lourd, plus travaillé jusqu'à ce qu'un poème prenne forme?

Il n'y a pas de procédé particulier, cela peut être sur un bout de feuille, des notes inscrites dans mon portable. Cela se passe parfois la nuit chez moi au calme, ou bien sur une terrasse d'un café, en déplacement dans un train... Si l'inspiration est là, j'écris un bout de texte, je le relis le lendemain, dans deux, trois jours il est terminé. Et non, je ne travaille pas des semaines entières sur un texte.

Comment définissez-vous alors un «bon» texte?

Il faut qu'il y ait du fond et de la forme. Un bon texte raconte quelque chose, une histoire, et puis le slam est évidemment aussi la forme – le fait de jouer avec des mots, des allitérations, des assonances, jouer avec la rythmique des mots, avec leur sonorités.

Le mot a donc son importance, il faut qu'il résonne. Y a-t-il un mot qui vous tient particulièrement à coeur? Un mot qui a une jolie sonorité mais qui a aussi du sens, et qui pour cela revient plus souvent dans vos textes?

J'aime bien le mot «partage» qui a une belle sonorité. En général, les mots qui finissent en «-age» sont jolis. Je me suis rendu compte que j'utilise souvent le mot «envie». Ce n'est pas anodin: l'écriture marche à l'envie, et quand on a envie de choses au quotidien, la vie avance plus facilement.

Vous venez de sortir votre sixième album qui s'appelle «Plan B». Le titre fait allusion à votre vie à vous, qui après un grave accident a pris une nouvelle tournure. L'art a-t-il été un bon plan B?

Ah oui, cela a été un bon plan B. Pour moi, il n'y a rien de péjoratif dans le mot «Plan B». J'ai eu une deuxième chance, avec cette belle reconversion artistique, un joli plan B en somme.

Vous rappelez-vous le jour où vous avez déclamé pour la première fois sur scène? Qu'est-ce que vous avez ressenti à ce moment?

Bien sûr que je me rappelle de cela. C'était dans un petit bar à la place de Clichy à Paris, j'avais découvert le slam peu avant et j'avais envie de participer. Je me suis lancé sur une scène ouverte. Il y avait une trentaine de candidats. En attendant que l'animateur m'appelle sur scène, j'avais la petite boule au ventre, puis je me suis jeté à l'eau – d'un seul coup j'ai slamé mon texte. Je me suis rendu compte que les gens ont aimé mon texte, et j'ai rapidement compris que j'allais moi aussi aimer cela.

Vous vous rappelez de ce texte?

Oui, ce texte s'intitulait «Cassiopée», du nom de la constellation des étoiles. Je m'amusais à discuter avec Cassiopée.

Comment se fait-il que des scènes ouvertes ont pris cette ampleur à l'ère du portable et des réseaux sociaux? On aurait pu croire que l'homme dispose d'assez de moyens de communication...

Les scènes ouvertes ont existé avant que les réseaux sociaux n'aient pris de l'ampleur, mais en même temps on peut y trouver une belle contradiction. Sur une scène ouverte, on est présent, on se regarde dans les yeux, il y a des échanges, des jolis moments ...

Dans votre nouvel album «Plan B» vous parlez aussi des migrants avec votre «Au feu rouge»...

Oui, j'ai difficilement pu faire un album sans évoquer le drame de l'immigration, un des enjeux majeurs de notre époque et de notre avenir. Dans le texte «Au feu rouge» je voulais juste essayer de rappeler que les migrants sont des êtres humains. On les appelle les migrants, les réfugiés, sans savoir ni qui ils sont, ni d'où ils viennent, on parle d'eux en chiffres, combien on en a accueilli, combien vont être expulsés. J'ai croisé un regard au feu rouge, j'ai eu envie de m'arrêter et de m'imaginer toute la vie compliquée qui se cache derrière ce regard, et de ne pas oublier que les migrants sont avant tout des êtres humains.

«Grand Corps Malade» sera sur scène ce jeudi 21 juin, à 20 heures, sur le parvis de Neimënster.

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