Berthe Lutgen, toujours engagée contre les injustices
Berthe Lutgen, toujours engagée contre les injustices
Une figure de l'histoire du féminisme luxembourgeois. Si elle fait partie des pionnières de la lutte pour le droit des femmes en lançant le Mouvement de libération des femmes (MLF) en 1971 au Grand-Duché, Berthe Lutgen ne se dit pour autant pas nostalgique de cette période, préférant regarder le présent.
A 86 ans, l'artiste continue de monter tous les jours dans son atelier au deuxième étage de sa maison familiale à Bettembourg pour exprimer dans ses tableaux les injustices et inégalités sociales que subissent encore aujourd'hui les femmes.
Dans son atelier se trouvent ses tableaux, ses œuvres en cours, ses tubes de couleurs et ses pinceaux qu'elle doit régulièrement changer: «Je travaille au moins deux heures le matin et l'après-midi, ça a toujours été ma passion. En 1959 j'étais aux Beaux-Arts à Paris. C'est dans ma nature», sourit Berthe Lutgen.
Parmi ses projets, des tableaux en cours sur le travail des femmes qu'elle exposera cet été à l'abbaye Neumünster. Continuer à peindre à son âge n'a rien d'étonnant pour cette octogénaire qui se dit encore en pleine forme: «Je ne suis pas malade, pourquoi est-ce que je ne continuerais pas de travailler! Si on est encore en forme, il faut continuer à vivre comme avant.» Et ça se voit, rien qu'à l'entendre parler des injustices et des violences faites aux femmes, un sujet qui lui tient à cœur. Il est temps d'éduquer les garçons et de leur faire comprendre qu'ils ne sont pas «les maîtres de la création», selon la peintre. Pour elle, les relations entre les femmes et hommes doivent être enseignées dès l'école, ainsi que des cours de défense pour les filles.
Son époux Jos Weydert, avec qui elle est mariée depuis 60 ans, salue son talent artistique, mais aussi «sa détermination, ses fortes convictions et son engagement dans les luttes féministes». Un homme qui a rendu possible son parcours de femme engagée, souligne leur fille Murielle Weydert. Cette dernière se dit «fière» de ce que sa mère a fait pour la nouvelle génération des femmes: «Ce que j'admire le plus, c'est qu'elle a eu un parcours qui a débuté il y a cinquante ans et qui se poursuit encore aujourd'hui.» Murielle Weyert salue la «persévérance» de sa mère de n'avoir jamais cessé de se battre pour le droit des femmes.
La fille de Berthe Lutgen a été marquée par cette histoire familiale. Il y a quelques années, elle est devenue la première déléguée à l'égalité des chances au ministère de la Famille. Murielle Weydert se rappelle notamment avoir eu une discussion avec sa mère quand elle a acheté un classeur bleu sur lequel était affichée une femme en rose dont l'image n'était pas favorable au sexe féminin: «J'aimais bien les couleurs, je ne me suis pas rendu compte du message que cela pouvait envoyer.»
Berthe Lutgen garde elle aussi un souvenir d'enfance de la publicité qui l'a alertée sur la représentation des femmes: «Après la guerre, la publicité a pris une telle envergure et ce n'était jamais pour mettre les femmes en valeur. Leur corps était devenu un objet. Toute réclame était sexualisée, ''Sex sells'' comme disent les Anglais». Des affiches dégradant les femmes qu'elle avait vues également dans le magazine allemand Der Spiegel: «J'étais vraiment choquée ! Pourquoi une entreprise qui vend des actions montre le derrière d'une femme? J'ai donc montré un autre exemple avec une femme dont on voit le derrière, mais qui travaille par terre.»
Berthe Lutgen dit avoir décidé toute seule de s'engager et remercie ses parents, lui fonctionnaire et elle couturière, pour leur «gentillesse» et leur «tolérance», mais aussi son mari.
Etre une femme indépendante et ne pas dépendre financièrement de son conjoint, tel a toujours été le leitmotiv de l'artiste. Pour le mettre en application, elle décide de suivre des cours à la «Kunstakademie» en 1972 à Düsseldorf pour devenir professeure. Elle enseignera par la suite de 1979 à 1996 l'éducation artistique au Luxembourg, notamment au lycée Athénée. Berthe Lutgen ne se dit pas en rupture avec les mouvements féministes actuels, comme Cid-Femmes qui a repris la relève du MLF ou de #MeToo, mais elle y voit plutôt une forme de continuité.
La fondatrice du MLF estime que les victimes d'agressions rencontrent encore de trop nombreuses difficultés avec la justice. Si les femmes ne sont aujourd'hui plus considérées comme des personnes mineures devant demander l'autorisation de leur mari pour toutes sortes de démarches, de nombreux combats restent encore à mener selon elle: «La lutte continue!»
Elle raconte que lors d'une réception consacrée à l'égalité entre les femmes et les hommes, le Premier ministre Xavier Bettel (DP) lui a dit que ses tableaux permettaient de dire plus de choses qu'un discours. Une chose est sûre dans cette lutte contre les injustices de la société: Berthe Lutgen compte encore bien être présente avec ses pinceaux pour les dénoncer!
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