Cap sur la Norvège
Cap sur la Norvège
par Pierre Wiame
Entre deux parties de bridge, entre deux tea-time à l'anglaise, on a fait escale au pied des plus beaux fjords de Norvège. Embarquement à Zeebruges, en Belgique, sur le MS Berlin, avec cap sur ce pays de glaciers, de trolls et de pêche au saumon.
Lorsque le port de Stavanger glisse dans le hublot, nous avons navigué 1.448 miles, soit 900 kilomètres. Par la route, de Luxembourg, nous aurions parcouru 1.500 kilomètres. Le MS Berlin, navire vintage de la compagnie franco-belge «All Ways-Rivages du Monde», a traversé la mer en nocturne et coupé court.
Sur le pont, à la proue, la fraîcheur du Nord saisit jusqu'à l'âme les lève-tôt, en même temps que l'aube les récompense d'un grand et brillant matin d'été. Le lent glissement du navire à travers la ouate marine fait penser, mais dans l'autre sens, au déroulement d'un tapis rouge. Le royaume de Norvège s'avance pour nous offrir sa lumière cristalline en cadeau de bienvenue. Il nous ouvre ses vallées glaciaires tranchées au couteau. Nous convainc déjà, par son architecture, que le voyage sera très beau.
Aussi lent est le navire, aussi complet est le conférencier de bord, Georges Küster. Il a eu le temps de dire aux passagers que la Norvège est un pays faussement montagneux, qu'en réalité il est plat, posé sur un haut plateau, et que la formation de ses grands fjords remonte à un big bang antédiluvien. La calotte glaciaire, en se déplaçant, a fracturé la croûte terrestre qui s'est émiettée en plus ou moins 1.000 bras de mer, de toutes tailles.
Le conférencier a aussi eu le temps de nous rappeler que le MS Berlin pénétrerait dans les fjords les plus emblématiques, le Nærøyfjord, le Sognefjord, le Lysefjord et le Geirangerfjord. «La croisière», a-t-il martelé, «est le meilleur moyen de découvrir ce pays de la Scandinavie.» Le privilège d'être croisiériste, c'est de jouir d'un temps ralenti. Ce sont ces ponts de paquebot, comme autant de larges balcons ouverts sur l'immensité bleue. C'est cette sensation de voyager à l'ancienne, d'avant l'avion, et d'arriver par des raccourcis dans le vif du sujet ou à distance de chaloupe. Sur la carte de la navigation, on voit que le MS Berlin, en dix jours, va «monter» jusqu'à Ålesund, à 455 kilomètres du cercle arctique. Puis redescendre jusqu'à Bergen, la fin du voyage.
La Norvège côtière
Retour à Stavanger, ville sacrément riche par ses puits de pétrole offshore où, avant le pétrole roi, il y a eu l'humble sardine. Etagé face au port, un quartier de maisons de poupées, blanches et en bois, rappelle ce rude commerce. Ces bicoques ouvrières ont pris leur revanche, les voici riantes et cosy. Les résidents s'y calfeutrent l'hiver mais, l'été, en fleurissent abondamment les pas de porte pour éclabousser de rose et de rouge les photos des touristes.
L'atmosphère de cette ville portuaire résume bien la Norvège côtière: elle bruisse de la rumeur estivale des terrasses multicolores. Marchés aux poissons frais et chalands de boutiques à déco épurée la font bourdonner. Ballets de zodiacs s'élançant en safari-fjord et sirènes de navires en rythment tout l'été.
Notre croisière course la lumière jusqu'au fond des fjords. Sur une mer d'huile, elle se faufile entre leurs ombres venteuses pour refaire surface devant des rives pailletées d'or. Même des paquebots à fort tirant d'eau peuvent tutoyer le paysage vert et tendre de la Norvège. Les passagers sont accoudés à leurs ponts comme assis devant le spectacle magnétique et sans fin de cartes postales vernies se battant les unes contre les autres. Par les beaux jours d'été, celles-ci ont souvent pour témoins de leurs ébats des escadres de nuages blancs. On les voit tantôt posés comme de la chantilly sur des rochers plats, tantôt en boule sur l'une ou l'autre crête, ou faisant des chapeaux à des sommets rabotés.
Des tableaux peints
Le paysage norvégien est bariolé de gros chalets et de petites «cabines» de vacances semées plic-ploc, comme on appelle ici ces minuscules refuges sans eau courante ni électricité. Elles témoignent du lien fort que les Norvégiens, confrontés à des hivers obscurs, ont tissé avec la nature en été. D'ailleurs, en Norvège, on est libre de planter sa tente partout, à minimum 150 mètres des jardins privés. Libre aussi de cueillir des fleurs, baies et champignons.
Quelques débarquements nous ont marqué, comme dans le petit port de Olden. On s'est promené dans un paysage si pur que l'impression fut de traverser un décor naïf d'historiette pour enfants. Ou dans un tableau peint. Tout y était en cavalcade gourmande: le rouge des framboises cueillies en mode buissonnière, raccord avec celui d'une lointaine église en bois, le bleu cobalt d'un très grand lac et l'écume blanche d'un torrent brumisant l'air.
Nous ne sommes plus au temps où seuls de riches lords anglais venaient pêcher le saumon en Norvège. En ce royaume à la beauté sauvage, nous nous y sommes aventurés par la voie d'une étrange mer sans mouvement. Avons traversé ponts et tunnels, escaladé des cols. A chaque fois, tout en haut de panoramas dentelés, on a regardé tout en bas notre petit navire réduit à l'échelle d'un jouet. Et l'on s'est laissé fasciner par ces jours bleus de juillet refusant de mourir et saignant à l'horizon.
Als Abonnent wissen Sie mehr
In der heutigen schnelllebigen Zeit besteht ein großer Bedarf an zuverlässigen Informationen. Fakten, keine Gerüchte, zugänglich und klar formuliert. Unsere Journalisten halten Sie über die neuesten Nachrichten auf dem Laufenden, stellen politischen Entscheidern kritische Fragen und liefern Ihnen relevante Hintergrundgeschichten.
Als Abonnent haben Sie vollen Zugriff auf alle unsere Artikel, Analysen und Videos. Wählen Sie jetzt das Angebot, das zu Ihnen passt.
