Renaud, retour gagnant
Renaud, retour gagnant
par Thierry Hick
«C'est pas donné aux animaux / Pas non plus au premier blaireau / Mais quand ça vous colla à la peau / Putain qu'est-ce-que ça vous tient chaud / Ecrire et faire vivre mots / Ça vous rend libre comme l'oiseau / Ça vous libère de tous les maux...». La verve, la pertinence sont toujours bien présentes. Ces quelques rimes de «Les Mots» lèvent enfin le voile: la plume de Renaud n'a pas pris une seule ride. Le gavroche de Paname, lui par contre, a bien pris un coup de vieux.
Faut dire que Mister Renard était aux abonnés absents depuis longtemps. On a tout dit, tout écrit sur le long passage à vide de l'artiste. Et voilà que l'auteur du «Morgane de toi» refait parler de lui, renaît de ses cendres. Le Phoenix n'a semble-t-il pas encore dit son dernier mot. A grands coups de marketing et de pub, le «rescapé» refait la Une des médias, des radios, des télés et des disquaires.
Son dernier opus, pudiquement nommé «Renaud», a dès sa première semaine, pulvérisé tous les records de vente, au même titre que le nouvel album «Les vestiges du chaos» de Christophe, autre dinosaure de la chanson française. Arrêtons-là cependant la comparaison.
Renaud divise
Le Renaud nouveau divise. Entre ceux qui s'émerveillent – avec plus ou moins de complaisance – et ceux qui s'énervent du retour du rebelle «Toujours debout», disons simplement que ce nouvel album est une «petite perle», un bon cru.
Déballer aujourd'hui de sa pochette un nouvel album de Renaud, c'est comme se remémorer l'époque où pour écouter «Amoureux de Paname» ou «Laisse béton» il fallait traverser la frontière – le Luxembourg est longtemps resté hermétique à l'univers peu fréquentable du loubard-chanteur au sempiternel bandana rouge.
Le barde qui jadis vivait dans un «Hexagone» où vivaient «60 millions de prétendants pour remplacer le roi des cons sur son trône» a changé, évolué, s'est calmé diront certains. La soixantaine désormais bien tapée, celui qui jadis tapait sur tous ceux qui portaient un képi ou un uniforme, aujourd'hui «embrasse un flic». Quel virage à 180 degrés. Le chroniqueur et ami de «Charlie Hebdo» ne pouvait pas rester les bras croisés face à l'horreur, à la barbarie. La rage, la haine des premiers jours est bien là, seuls les ennemis et adversaires ont changé de camp.
La voix a souffert
Renaud n'a jamais été un bon chanteur. Rocailleuse à souhait, sa voix n'a cependant jamais manqué de charme. Aujourd'hui elle a pris un sacré coup. Celui, qui ne carbure plus à l'anisette – il ne s'en est jamais caché –, a fait souffrir ses cordes vocales. Et alors? Fallait-il dès lors le condamner au silence? Non! Un artiste, un chanteur de surcroît, a le droit d'évoluer de s'exprimer, de continuer à marcher avec son temps, avec ses rides et ses soubresauts de la vie.
Côté musique, Renaud continue de souffler le chaud et le froid. Lorsqu'il n'est pas en mode valse musette ou goguette, «La nuit en taule», ou rock plus musclé «Toujours debout», «Mon anniv», le chanteur se montre doux et tendre. Loin du sommet atteint par «En cloque» ou «Mistral gagnant», les ballades de ce nouvel opus «Héloïse», «Petit Bonhomme» sont des moments de tendresse et d'amour adressés à ses enfants et petits-enfants comme pour mieux excuser de la longue absence du père et du grand-père.
Au-delà des mots bien choisis, le langage de Renaud reste pointu, occasionnellement cru et argotique à bon escient. Dommage seulement, que les jeux de mots bien sentis, les belles trouvailles se fassent désormais plus rares.
A tous ceux qui en doutaient encore, Renaud leur crache au visage: «Toujours vivant, rassurez-vous / Toujours la banane, toujours debout / Il n'est pas né le crétin qui voudra m'enterrer». C'est à prendre ou à laisser. Alors, prenons!
A noter pour les inconditionnels: Renaud repart prochainement en tournée. Il sera en concert près de chez nous au Galaxie d'Amnéville. Un peu de patience s'impose: le concert est prévu le 14 mars 2017.
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