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Le retour des quatre mousquetaires
Kultur 4 Min. 24.10.2022
Critique de concert

Le retour des quatre mousquetaires

 Le saxophoniste Joshua Redman est un habitué de la salle de concerts du Kirchberg
Critique de concert

Le retour des quatre mousquetaires

Le saxophoniste Joshua Redman est un habitué de la salle de concerts du Kirchberg
Photo: LW-Archives/Philharmonie
Kultur 4 Min. 24.10.2022
Critique de concert

Le retour des quatre mousquetaires

Gaston CARRÉ
Gaston CARRÉ
La soirée «A MoodSwing Reunion» à la Philharmonie a réuni Joshua Redman avec Brad Mehldau, Christian McBride et Brian Blade.

Frêle et filiforme, engoncé dans son bel habit, Joshua Redman a les traits d’un adolescent qui aurait revêtu un costume-cravate pour se donner quelques ans de plus. Et pourtant, l’artiste qui ce dimanche soir paraît sur la scène de la Philharmonie incarne à lui seul une page d’histoire du jazz contemporain, dont il a posé quelques fondements aux côtés de ses pairs les plus prestigieux. 

C’est un maître dès lors qui se présente là avec ses trois compagnons, et même le pianiste Brad Mehldau parmi ceux-ci fait figure d’élève sage, au même titre que le géant Christian McBride à la basse et l’étonnant Brian Blade à la batterie. 

Un inoubliable référent

Quatre musiciens donc, quatre amis de longue date pour la réactualisation d’une aventure ancienne déjà, car ces musiciens ont vécu une vie antérieure déjà.

 En 1994, le saxophoniste ténor présente pour la première fois son quartette et sa production, l’album «MoodSwing», qui sera un inoubliable référent pour les amateurs du genre. Un jazz jubilatoire, conçu pour plaire, tout en efficacité, mais sans trop de démagogie, entendez par là que Joshua Redman s’est refusé aux créations «conceptuelles», aux compositions trop cérébrales dont se gargarise en ce temps-là un jazz qui se croit tenu encore de prouver son éminence. 

Au service, avec Redman, de cette musique plus soucieuse du bonheur de l’auditeur que de la légitimation de ses créateurs: trois artistes qui tous vont devenir des sommités dans leur registre instrumental: Brad Mehldau, qu’on ne présente plus et qui récemment s’était produit en solo à Echternach, le puissant contrebassiste Christian McBride et l’ébouriffant batteur Brian Blade.

 Vieilles connaissances

Un quart de siècle passe sur «MoodSwing», puis les mousquetaires se retrouvent pour un nouvel enregistrement, «RoundAgain», sillonnant à nouveau les scènes du monde avec leur jazz virtuose ma non troppo, plus fin qu’innovant, d’une sophistication qui ne méprise pas l’auditeur. C’est ce souci de plaire, au sens le plus noble du terme, que le public du grand auditorium salue en connaisseur, par des acclamations montrant que ce sont de «vieilles» connaissances qu’on retrouve là. 

Redman attaque bille en tête avec «Chill», premier salut au fameux «MoodSwing», son brio au saxo est éclatant, assez vite pourtant il se déporte du centre de la scène pour laisser la lumière à Mehldau. Celui-ci plonge dans une de ces suaves improvisations dont il a le secret, avec une certaine modération pour le moment - soulignons à cet égard la retenue dont il fera preuve tout au long du concert, comme pour prouver son allégeance à Redman en incontesté patron. Remarquable aussi, d’emblée: le jeu de Brian Blade à la batterie, qui ponctue plus qu’il n’accompagne. 

«Disco ears»: Redman est au saxo soprano, se livre à un exercice de haute voltige, dans les sauts d’amplitude notamment, puis nouvelle envolée de Mehldau, plus déterminée, dont le dialogue avec Redman constitue un premier sommet de la soirée. L’un et l’autre se livrent à un fascinant échange sur base d’un obstiné contrepoint, suit «Floppy Diss» agrémenté d’un solo de Brian Blade, décidément singulier, tout en roulements, en incises qui tonnent tel l’éclair dans un ciel bleu. Souligne-t-on assez la manière de ce batteur, qui peut-être est l’élément le plus original du quartette?

La main de Mehldau

«Moe Hoek»: une composition de Mehldau, dont les strates polyrythmiques trahissent de suite la signature - belle alternance entre la patte de velours de Redman et le jeu pareillement fluide mais plus tourmenté du pianiste canadien. On joue ensuite «Silly little love song», pièce joliment mélodique, selon un déroulé désormais bien éprouvé: le pianiste pose le sujet, le cède à Redman qui le développe puis le restitue à Mehldau qui l’exhausse à son tour, et quiconque est assez près de la scène est fasciné par sa main droite, cette main qui va et vient, se promène avec cet air de ne pas y toucher qui la caractérise. Redman de son côté finit de convaincre quiconque aurait douté de lui encore, par des saillies virtuoses qui s’appuient sur un certain classicisme sans lui être assujetti. 

 «Obsession» est donné en rappel, les mousquetaires se retirent et c’est fini. Une soirée de brio instrumental, transcendé par la connivence des musiciens sans atteindre, pour autant, à l’«alchimie spirituelle» dont on parla aux termes des prestations de leurs premières années. 

 

 

 

 

 

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