Le grand écart
Le grand écart
La France devrait donc échapper de justesse aux foudres de Bruxelles après avoir amendé in extremis son budget prévisionnel pour 2015. Mais le bras de fer que l'Europe avait engagé avec la France était révélateur. Si elle peut se montrer capable des élans les plus euphorisants, l'Europe ne reste pas moins susceptible de retomber dans les travers d'un passé pas si lointain. Plus que jamais défiée par les affres d'une économie atone, elle peine à s'imposer en dehors de toute contestation et contradiction.
L'index réprobateur tendu vers Paris ne facilite évidemment pas la tâche d'un gouvernement dont les efforts d'économie et d'assainissement budgétaires sont incontestables. Il est vrai que la France continue d'être un des mauvais élèves – mais pas le seul et certainement pas le pire – de l'Union européenne. Son déficit budgétaire prévisionnel pour 2015 (révisé à 4,1 %) la fait fauter encore contre le pacte de stabilité. Si la Commission ne peut pas passer l'éponge sans mettre en péril le frêle édifice économique et monétaire, elle reste tout autant redevable d'un certain devoir de retenue et de compréhension face aux contextes politiques nationaux en la matière. Quand François Hollande balayait d'un coup de main les sommations de Bruxelles de rajouter quatre milliards d'économies aux 21 déjà entreprises – avant de dénicher des recettes supplémentaires –, il avait de bonnes raisons pour le faire. Comment imposer aux Français de nouvelles mesures de rigueur sans risquer à la fois de jouer le jeu du Front national et de s'attirer encore davantage l'ire des frondeurs dans ses propres rangs? Tant que l'Europe n'est pas fédérale – et elle est encore loin de faire l'unanimité sur cette question – elle continuera d'avoir des difficultés pour faire le grand écart entre l'économie, relevant toujours du domaine des Etats, et le chantier de la monnaie commune. Et tant que cette situation dure elle ne peut se ficher des conséquences de son rigorisme pour les intérêts légitimes des gouvernements et du climat social dans les pays qui la composent. Elle a une responsabilité à assumer et ne se gouverne pas du haut d'une tour d'ivoire.
Les chantres de l'orthodoxie budgétaire peuvent brandir l'argument d'une Europe condamnée d'avance si par ses actes par trop généreux elle contredirait ses propres règles et principes. Or, sans transiger sur ses principes, elle pourra toujours infléchir les rythmes imposés. Ce qui lui éviterait de contredire ses propres, tout récents aveux à l'issue de la crise grecque qui l'a vue imposer à toute une nation une rigueur au-delà des plus élémentaires considérations sociales. N'a-t-elle pas promis de ne pas renouveler ses erreurs, de rendre ses mécanismes, comme la Troïka, plus démocratiques et plus transparents, donc moins intransigeants – et Jean-Claude Juncker d'appliquer le pacte de stabilité avec la flexibilité appropriée?
L'idée de l'Europe ne peut prospérer au dépens des intérêts même immédiats de ses citoyens. Elle en serait sa première victime, et c'est là toute l'étendue de son dilemme. Si tous les pays sont égaux, en droits et en devoirs, en Europe – et les traités le leur garantissent – où en serait la justice, si celui qui a fait de la rigueur et de la discipline budgétaire sa raison d'Etat, pourrait faire la loi tout seul? Et que dire d'une Europe qui, fixant le regard droit devant elle, poursuivrait ses objectifs dans l'ignorance des dégâts qu'elle cause?
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