France: le Parti socialiste survivra-t-il à lui-même?
France: le Parti socialiste survivra-t-il à lui-même?
Par Théo Recoules *
Fragilisé après une élection présidentielle catastrophique - sa candidate, Anne Hidalgo, rassemblant 1,78% des suffrages exprimés au premier tour en avril 2022 -, le Parti socialiste tenait le week-end dernier son 80ᵉ congrès pour choisir son Premier secrétaire, et avec lui, sa ligne idéologique. Constatant qu’il était englué dans ses guerres internes, certains n’hésitaient pas à déjà faire sa nécrologie. C’était sans compter sur ses capacités à construire une voie de compromis, comme cela fut le cas depuis ses origines. Avec des divergences et des cicatrices pourtant encore très apparentes.
Le weekend dernier, le Parti socialiste réunissait ses membres à Marseille en congrès, pour la 80ᵉ fois en 117 ans d’existence. Deux semaines plus tôt, le 12 janvier dernier, le vote du premier tour avait bien permis d’établir une hiérarchie claire: le texte d’orientation porté par le Premier secrétaire sortant, Olivier Faure, rassemblait presque la majorité des votants, avec 49,15% des suffrages exprimés; celui du maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, intitulé «Refondations», obtenait un score de 30,51% ; la maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy, et son texte, étaient eux crédités de 20,34% des suffrages.
Pourtant, les deux finalistes menèrent une campagne de deuxième tour aggressive conduisant à un vote particulièrement tendu le week-end suivant. Sur les 24.000 votants, parmi les 41.000 adhérents appelés à voter le dimanche 23 janvier, seuls 50,83% d’entre eux glissaient le bulletin en faveur de la motion d’Olivier Faure. Un score pas assez large pour rendre marginales les critiques du camp de l’outsider Mayer-Rossignol, dénonçant des méthodes intimidantes et remettant en cause la probité du vote dans certaines sections.
Fumée blanche socialiste à Marseille
Fragilisé, le Premier secrétaire sortant essayait le soir même d’assurer de sa victoire: «Je suis reconnaissant aux socialistes de m’avoir confirmé dans la plus belle des fonctions, celle de conduire et d’animer le parti de la justice sociale et écologique.» Une affirmation immédiatement balayée par son challenger qui déclarait, en réponse, sur le réseau Twitter, le soir même: «Alors que notre parti offre un spectacle affligeant, alors que la commission de récolement est en plein travail, cette sortie me paraît irresponsable. J'appelle une nouvelle fois à l'apaisement, à la transparence, au respect de la démocratie et des militants.»
S’ensuivait une semaine d’épouvante, où chaque rencontre entre les deux camps ne débouchait que sur de nouvelles impasses et des déclarations qui fragilisaient encore un peu plus un parti pourtant déjà très affaibli. Certains appelaient à revoter, d’autres considéraient que la victoire était nette et indiscutable. Jusqu'au premier jour du congrès, aucune solution ne semblait exister. Après une nuit de négociations et des pourparlers poursuivis jusqu’à 4 heures samedi matin, les deux camps annonçaient un accord. Si Olivier Faure était bien reconduit Premier secrétaire du Parti socialiste, Nicolas Mayer-Rossignol devenait Premier secrétaire délégué, un poste créé sur mesure pour lui assurer une place de numéro deux bien réelle.
«Les journalistes viennent assister à notre enterrement, mais à chaque fois, heureusement, nous les décevons», affirmait en demi-sourire, encore un peu crispé le vainqueur soulagé, dimanche matin, concluant par une adresse à son rival de la veille «chez nous, tout se discute. Merci Nicolas. Se retrouver n’était pas forcément une évidence. Toi et moi, nous avons fait un choix. Dépasser ces moments et de faire ensemble. Merci pour cet esprit de responsabilité, car nous allons faire mieux ensemble».
Pourtant, aucune grande annonce dans le discours d’Olivier Faure, alors même que Marseille y a été habituée. «Il faut souligner qu’en 1879, le congrès international ouvrier qui se tenait à Marseille et auquel participait notamment Jules Guesde, votait l’égalité homme-femme. C’était une première», précise l’historien spécialiste des gauches françaises Gilles Candar. Une proposition inédite que rappelait Olivier Faure dimanche, dans son discours de clôture: «Hubertine Auclert, qui portait cette initiative, jetait là le premier pont entre le féminisme et le socialisme.»
Le retour des deux gauches irréconciliables ?
Quelques axes idéologiques et combats furent évoqués: «L’extrême droite progresse et on doit être empreint d’une certaine gravité (…) pour lancer la contre-offensive. Nous serons toujours les premiers à faire barrage à l’extrême droite», lançait Olivier Faure à un public acquis, mais encore mal réveillé dimanche matin. «Alors que le gouvernement veut passer en force sur la réforme des retraites, nous devons faire entendre la voix socialiste, seule vraie alternative sur ce sujet», voulait croire le chef des députés socialistes à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud-Belkacem.
Si le Parti socialiste semble aussi divisé, c’est parce que la question centrale est celle du positionnement de fond du parti.
Tous les participants reconnaissaient que le débat d’idées viendrait plus tard. Comme un aveu des difficultés à vraiment discuter.
Si le Parti socialiste semble aussi divisé, c’est parce que la question centrale est celle du positionnement de fond du parti. Doit-il affirmer son rôle de parti de gouvernement et tenter de séduire les déçus à gauche du macronisme? Ou lui faut-il davantage se rapprocher d’une radicalité plus courante chez ses partenaires au sein de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), coalition des partis politiques de gauche créée au lendemain des législatives et largement dominée par la France Insoumise et les proches de Jean-Luc Mélenchon?
«C’est une question qui devra être tranchée. Sans quoi, aucun de ces deux électorats ne se reconnaîtra dans le discours du parti, et sa disparition deviendra une réalité», estimait l’historien Gilles Candar. Une enquête auprès des sympathisants socialistes menée par la fondation Jean Jaurès il y a seulement quelques mois révélait que 51% d’entre eux considèrent que La France Insoumise est un mouvement dangereux pour la démocratie.
Un résultat qui semble donner raison à ceux qui prédisent la scission fatale au parti. Combatif, Boris Vallaud-Belkacem pariait plutôt sur la fin d’un cycle: «Il y a dix ans, nous étions majoritaires à l’Assemblée, au Sénat, au gouvernement, dans les régions. Ce congrès difficile nous sort de la spirale défaitiste pour aborder les prochaines échéances plus rassemblées. Comme ce fut le cas après le congrès douloureux de Metz, en 1979, qui eut pour résultat la victoire de François Mitterrand!»
* L'auteur est correspondant à Paris.
Folgen Sie uns auf Facebook, Twitter und Instagram und abonnieren Sie unseren Newsletter.
Als Abonnent wissen Sie mehr
In der heutigen schnelllebigen Zeit besteht ein großer Bedarf an zuverlässigen Informationen. Fakten, keine Gerüchte, zugänglich und klar formuliert. Unsere Journalisten halten Sie über die neuesten Nachrichten auf dem Laufenden, stellen politischen Entscheidern kritische Fragen und liefern Ihnen relevante Hintergrundgeschichten.
Als Abonnent haben Sie vollen Zugriff auf alle unsere Artikel, Analysen und Videos. Wählen Sie jetzt das Angebot, das zu Ihnen passt.
